DIEPPE, MAISON JACQUES PRÉVERT
SAMEDI 7 MARS – 20H
THÉÂTRE
Proposition féministe, joyeuse et cathartique à partir de l’émission Répliques.
Le 4 décembre 2021, dans l’émission Répliques, la philosophe Camille Froidevaux-Metterie débat avec deux hommes sur les rapports entre les sexes. Ce qui devait être un simple échange tourne à la démonstration : avec calme et clarté, elle démonte leurs arguments, exposant les limites d’un discours patriarcal dépassé.
Inspiré de cet échange, le spectacle rejoue ce moment avec humour et intelligence, comme si l’on assistait à l’agonie symbolique d’un monde ancien, représenté par un « crapaud-buffle » aux idées figées.
Dans le cadre de Mars au Féminin de la Ville de Dieppe.
En partenariat avec la Maison Jacques Prévert.
Mise en scène : Anne-Sophie Pauchet – Avec : Juliette Lamour, Anne-Sophie Pauchet, Julien Flament – Création sonore : Juliette Richards.
© Photo : Gauthier Thypa, Barbara Pinceloup
Régie générale : Benjamin Lebrun. Collaboration artistique : Arnaud Troalic. Production : Compagnie Akté. Partenaires et soutiens : La compagnie Akté est conventionnée pour l’ensemble de son projet artistique par la DRAC Normandie, la Région Normandie et la Ville du Havre. Avec le soutien de HF+ Normandie et la ville de Rouen.
Au départ, à l’écoute de cette émission, beaucoup de sentiments nous ont traversé·es.
La sidération, la colère, le rire aussi parfois, mais rapidement a dominé l’admiration devant la ténacité, la patience et l’intelligence de Camille Froidevaux-Metterie.
Face à elle, un discours porté à deux voix par les représentants d’un système dominant qui dans leur argumentaire souvent hasardeux portent l’ensemble des idées qui structurent le socle patriarcal précisément dénoncé par la philosophe.
Démonstration par l’absurde presque...
Puis émerge l’idée de faire entendre cette parole, dans un moment partagé, et qui pourrait être joyeux et combatif.
La mécanique de l’émission et la situation ont d’ailleurs un aspect éminemment théâtral (l’émission ne s’appellant sans doute pas Répliques par hasard...), avec alternances rythmiques, montée dramaturgique, oppositions, contradictions et rôles à tenir.
À la manière du théâtre Verbatim, il s’agit donc de retranscrire précisément cette conversation à trois, et ainsi de reconstituer point par point chaque élément de la puissante et brillante démonstration de la philosophe. Mais aussi de faire entendre les discours de ses deux contradicteurs.
Nous avons travaillé sur un dispositif tout terrain, reconstitution simple d’un espace évoquant le plateau télé ou radio, qui se déploie idéalement avec des spectateur·rices au plateau mais pourra aussi être présenté en frontal.
La « partition » de Camille Froidevaux-Metterie est prise en charge par Anne-Sophie Pauchet, celle d’Alain Finkielkraut par Julien Flament, et le parti-pris sera de faire dire les mots de Jean-Michel Delacomptée par une jeune comédienne, Juliette Lamour, à l’opposé précisément de ce que l’auteur représente, elle incarne par sa présence ce qui dépasse et effraie les deux tenants du discours patriarcal. Performer ce discours, se l’approprier au plateau pour mieux en faire entendre l’absurdité et parfois la vacuité, et ainsi trouver dans le décalage opéré une valeur cathartique et politique.
Alain Finkielkraut
Comme le montre Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte, l’univers de la séduction notamment, le jeu de la séduction est très cruel, pour les hommes et pour les femmes, dont je cite dans le livre en effet le cas de Raphael Tisserand, puceau à 28 ans, parce qu’il est laid, et il a un faciès de crapaud buffle, et il se fait tout le temps jeter. [...] Donc pourquoi généraliser à ce point, pourquoi faire euh, pourquoi faire croire que l’humiliation, la difficulté de vivre, et de vivre notamment le rapport avec l’autre, est seulement du coté des femmes ?
Camille Froidevaux-Metterie
Ce dont je parle en évoquant cette révolution à mener, c’est d’un système immémorial qui remonte à l’Antiquité grecque, qui a traversé toute l’histoire, qui a survécu au tournant de la modernité démocratique, qui a survécu encore aux premiers grands moments de la révolution féministe dans les années 70, et qui fait qu’aujourd’hui, nous continuons de vivre dans une société qui repose sur un socle que l’on peut qualifier de patriarcal.
Jean-Michel Delacomptée
Je suis très mal à l’aise avec cette question du patriarcat, je suis très sensible naturellement au propos, je comprends les arguments, [...] comment ne pas être sensible à la cause des femmes, mais je ne m’y retrouve pas du tout, je ne retrouve aucun sentiment dans tout ça, je ne vois aucune littérature, aucune poésie, la vie, la vie toute simple... [...] En tant qu’homme, en tant que père de famille aussi, je me sens continuellement agressé par le mouvement néo-féministe pour reprendre ce terme. Donc, à un moment, il y a une sorte d’exaspération, et une nécessité de prendre une parole, parce qu’il est diffcile pour un homme aujourd’hui, de s’exprimer sur ces questions. On est suspect, je me sens suspect...
Camille Froidevaux-Metterie
Ce que vous décrivez, Alain Finkielkraut, c’est effectivement une dynamique intense d’émancipation sociale et professionnelle voire politique, chez les femmes. En revanche, ce qu’elle recouvre, cette dynamique de l’intime, à partir des années 2010, c’est que la situation de minoration privée et d’exploitation des femmes continue de perdurer par-delà même leur émancipation sociale, [...] d’où l’intensité et la nécessité des combats d’aujourd’hui.
Anne-Sophie Pauchet
Elle est à l’origine de la compagnie Akté au Havre en 2000 avec Arnaud Troalic.
Depuis, ils collaborent aux projets portés par l’un ou par l’autre de diverses manières (dramaturgie, scénographie, directions d’acteurs, jeu...), toujours dans un dialogue complice et une complémentarité artistique. Anne-Sophie participe en tant que comédienne aux projets collectifs de la compagnie en 2004 et 2006 (George Dandin, Roberto Zucco), puis elle devient collaboratrice artistique des spectacles mis en scène par Arnaud Troalic : Borges vs Goya en 2007, Insultes au public en 2011 et POLIS en 2016.
C’est à partir de 2009 qu’elle développe en parallèle ses propres projets, d’abord en direction du jeune public (Les cinq doigts de la main). En 2012, elle met en scène Toxique, journal de Françoise Sagan qu’elle porte à la scène avec une comédienne et une musicienne. En 2014, sa création jeune public
Ouasmok ? est co-produite par Le Volcan - Scène nationale du Havre et par Dieppe - Scène nationale.
En février 2017, L’île des esclaves est créé à Dieppe Scène Nationale. En avril 2019, elle crée Exit de Fausto Paravidino à la scène conventionnée Le Rayon Vert, à Saint-Valery-en-Caux et en décembre 2021 Kesta, de Manon Ona dans le cadre du festival Jeune Public Ad Hoc porté par le Volcan.
En novembre 2023, elle met en scène Au loin les oiseaux, qui traite de la question du jury populaire par le prisme de l’affaire Jacqueline Sauvage, au Tangram Scène nationale d’Évreux.
Julien Flament
Il suit les cours des Arts du Cirque au Conservatoire d’Art Dramatique d’Amiens puis des études théâtrales à Paris III. Il rejoint Akté dès 2004 pour les 2 créations collectives, puis Borges vs Goya de Rodrigo Garcia et Insultes au public de Peter Handke, mis en scène par Arnaud Troalic.
À Bruxelles, il participe à Travail de recherche de Mohamed Al Khatib. Comédien dans La Fausse Suivante de Marivaux, mis en scène par Nadia Vonderheyden en 2012, il participe ensuite à plusieurs projets dont Nancy de Bruce Benderson, Jungle Speed (Perdre est une question de méthode) chorégraphié, écrit et avec Sophie Bocquet, Camping Workshop 2015 de Fanny de Chaillé. Il retrouve Akté en 2016 pour POLIS.
En 2017, il est diplômé en tant qu’opérateur projectionniste de cinéma.
Anne-Sophie Pauchet le met en scène dans Kesta en 2021 dans le rôle de l’Homme sans années.
Juliette Lamour
Juliette Lamour est originaire de Nice, elle quitte le Conservatoire de Cergy-Pontoise en 2021 pour intégrer la formation professionnelle des comédien·nes stagiaires de la Cité Théâtre à Caen dont elle sortira en juillet 2024.
Elle y rencontre notamment Julie Hega, Amélie Clément et Anne-Sophie Pauchet avec lesquelles elle commence à travailler sur différents projets en tant que comédienne ou assistante à la mise en scène.
Juliette Richards
Juliette Richards fonde en 2005 son tout premier projet musical à 15 ans. Depuis, elle n’a eu de cesse d’explorer chaque facette de la planète musicale qui l’habitait, passant du rock à la folk, de la folk à la pop, pour enfin trouver l’espace où poser sa voix et former son premier projet personnel sous le nom de White Velvet. Après beaucoup de temps à composer ses chansons pour sortir des disques et les jouer sur scène, Juliette se sent aujourd’hui plus à l’aise en studio où elle ne pense plus qu’à la musique. C’est un endroit qui lui permet plus de collaborations et d’oscillations entre tous les chemins qui lui plaisent, en tant qu’autrice, compositrice, chanteuse, musicienne et voix off.
Nourrie autant de la folie et du timbre puissant de Björk que de la chaleur intime des clarinettes d’Andy Shauf, Juliette aime se balader d’un style à l’autre tant que la musique illustre un propos ou un sentiment. C’est pourquoi la musique de spectacle, de spot publicitaire, de film, la fascine particulièrement.
Pour La lente et difficile agonie..., Anne-Sophie Pauchet lui a commandé un dance-remix du fameux thème de l’émission Répliques (la variation 1 des Goldberg Variations de Bach par Glenn Gould), qu’elle a savamment déconstruit et mélangé à de croustillants samples des voix de l’émission.
Anne-Sophie Pauchet et Arnaud Troalic portent leurs projets de création en alternance, toujours en collaboration mutuelle et dans une dynamique d’échange et de confrontation d’idées. Cette complicité et ce partage, nés d’une pratique de création collective pendant plusieurs années, sont des marqueurs forts de l’identité d’Akté.
La ligne commune de leurs projets se trouve dans une préoccupation constante d’un art qui viserait à faire émerger une pensée active et émancipatrice par la rencontre (celle de l’oeuvre, celle du public et des artistes, celle d’un dispositif scénographique...).
La compagnie travaille plus spécifiquement sur les écritures qui interrogent le monde d’aujourd’hui ou qui le font résonner (Borges vs Goya, Exit, Au loin les oiseaux). Elle développe des dramaturgies plurielles portées par les technologies ou les dispositifs scénographiques (ATTENTION, POLIS), et favorise la rencontre des disciplines comme avec la musique live au plateau (Toxique, L’île des esclaves).
Le rapport au mot et aux écritures est fondamental dans les créations de la compagnie, non dans une recherche documentaire ou historique (dans le cas de textes de répertoire), mais dans le décalage poétique opéré par la fiction et la mise en scène des textes choisis.
Chaque proposition interroge la position des spectateur·rices en en faisant un·e partenaire actif·ve allant même parfois jusqu’à nourrir directement par les rencontres le processus créatif. Ainsi, les nombreuses actions artistiques menées auprès de divers publics sont pensées comme un enrichissement et une complémentarité au travail de création.
Les projets de la compagnie sont élaborés dans une envie d’échange et d’horizontalité permettant de créer les conditions de la rencontre et visant chaque fois à stimuler une pensée collective plutôt qu’à transmettre une vision univoque.