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saison 2021/2022

Le Iench

THÉÂTRE | DÈS 14 ANS
Mise en scène Eva Doumbia
Compagnie La Part du Pauvre

Coproduction PAN – Producteurs Associés de Normandie

FOCUS PAN
Producteurs Associés de Normandie
CDN de Normandie – Caen, CDN de Normandie Rouen, CDN de Normandie – Vire, Le Tangram – Scène Nationale d'Evreux, Scène Nationale 61 d'Alençon, le Trident – Scène Nationale de Cherbourg-Octeville, DSN – Dieppe Scène Nationale.
Jeudi 28 avril 20h
Durée 2h15
Grande Salle
Tarif A | Réserver

 

Texte et mise en scène Eva Doumbia. Musique Lionel Grelat. Scénographie Aurélie Lemaignen.Chorégraphie Kettly Noel. Assistants Clémence Pichon et Fabien Aissa Busetta. Régisseur général Loïc Jouanjan. Créateur son Cédric Moglia. Créateur lumière Stéphane Babi Aubert. Avec Fargass Assandé, Nabil Berrehil, Fabien Aissa Busseta, Catherine Dewitt, Sundjata Doumbia / Akram Manry, Binda N'gazolo, Salimata Kamaté, Fatou Malsert / Olga Mouak, Fréderico Semedo, Souleymane Sylla.

Un spectacle-manifeste sur le racisme systémique.
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Drissa, 11 ans, emménage dans un pavillon en province. Il se met à rêver sa famille comme celle des blancs des publicités : deux voitures dans le garage, les repas du dimanche et surtout un chien. Mais devant le refus catégorique de ses parents, ce désir de chien devient son obsession. Une obsession d'égalité, d'une vie « banale », de reconnaissance sociale, dans un monde qui ne l'accepte pas, lui, français mais d'origine malienne. Le bac, le permis, les sorties en boîte… puis son chemin rencontre celui de policiers et Drissa disparaît. À partir de ce désir assumé de banalité, Eva Doumbia, tisse une histoire grave et sensible. Elle soulève les difficultés d'une jeunesse tiraillée entre le modèle patriarcal de la société dans laquelle elle grandit et les discriminations qui affectent les garçons et les jeunes filles noir.e.s. Cet âpre combat nous est donné à voir de l'intérieur avec beaucoup de délicatesse et d'humour, par les yeux de celles et ceux qui refusent avec acharnement de subir et de se résigner.

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« Dans Le Iench, Eva Doumbia raconte avec justesse et réalisme la vie de cette famille d'exilés, perce l'intimité de celles et ceux qui vivent avec ce sentiment de différence renvoyé par une société qui prône paradoxalement l'intégration. L'histoire laisse sans voix après une traversée d'émotions. » Relikto

La sélection bibliographique de la librairie-café La Grande Ourse.

RENCONTRE
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Avec Eva Doumbia et Timothée Lerolle, metteuse et metteur en scène soutenus par PAN –Producteurs Associés de Normandie.
Sur réservation : 02 35 82 04 43
Mer. 27 avril | 21h | au Studio rencontre annulée.

© Photo : Arnaud Bertereau.

Production déléguée : CDN Normandie Rouen. Producteurs : La Part du Pauvre, Artcena, La Comédie de Saint Etienne CDN , Les Producteurs Associés de Normandie (Centre dramatique national de Normandie – Rouen, Le Préau, Centre dramatique de Normandie – Vire, La Comédie de Caen CDN de Normandie, Le Trident Scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin, DSN Dieppe Scène Nationale, Le Tangram Scène Nationale d'Evreux-Louviers. Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National. Avec le soutien du diese # Auvergne-Rhône-Alpes, dispositif d'insertion de L'École de la Comédie de Saint-Étienne, du FIJAD, Fonds d'Insertion pour les Jeunes Artistes Dramatiques de l'eracm à Cannes, du FIPAM, Fonds d'Insertion Professionnelle des Acteurs de l'ENSAD à Montpellier, de l'ESAD, École Supérieure d'Art Dramatique de Paris.

Site de la compagnie

Je dédie « Le iench » à mon frère Sériba et mon père Amadou Doumbia, disparus en 2017 et 2019.

La Famille. Tout le monde en a une, on peut l'aimer ou « la haïr », parfois les deux à la fois. Souvent on a en tête celle de la publicité ou de l'audiovisuel : un couple, parfois séparé, quelques enfants, des relations qui se tendent les jours de fêtes, des mères aimantes qui se révoltent contre leur condition de femmes, des enfants qui se jalousent, des pères autoritaires, copains, ou dépassés. Cette famille-là est universelle, mais pas complètement.

La famille d'origine asiatique, juive, maghrébine ou sub-saharienne est différente... toute en étant similaire.

La famille au théâtre français est souvent bourgeoise, blanche, et quand elle ne l'est pas, elle vit dans une HLM, souvent sordide. En tant que spectatrice, lectrice de théâtre, et en tant qu'artiste j'avais ce manque d'une famille autre, en tout cas, un peu différente. Avec d'autres personnages. En adaptant Chester Himes, Léonora Miano ou Maryse Condé, j'avais pu trouver des personnages noirs, mais rien qui puisse permettre au public de s'identifier à une famille lambda qui s'appellerait Koné, Massamba ou Nzongo. Après la publication par Vents d'Ailleurs de mon premier récit, j'ai eu envie de me mettre à écrire cette famille là pour le théâtre. Je voulais une histoire sensible, intime un peu drôle aussi, à laquelle l'on puisse toutes et tous s'identifier Puis Adama Traoré a été tué, j'ai pensé à mes proches. Je me souviens de nuits pleines d'angoisses. Ce décès a imprégné le texte en train de s'écrire. Mes personnages refusent de subir, ils veulent pouvoir choisir. Drissa veut sortir de tous les clichés, il ne veut être ni délinquant noir ni une exception (le fort en foot, le chanteur de soul, le scientifique doué qui a pris l'ascenceur social). Mais ni lui ni ses amis ou sa soeur « ne sont des cellules isolées », et ils ne peuvent changer des représentations que les dépassent. Malgré leurs efforts, ils glisseront.

Eva Doumbia

Le travail de mise en scène, comme celui du texte est un aller retour entre réalisme presque cinématographique et parole poétique. L'ensemble des créateurs/trices réuni·es autour de ce projet travaille dans cette direction.

SCÉNOGRAPHIE : INTÉRIEUR/EXTERIEUR
Au centre du plateau, le salon, espace privilégié de la famille : on y mange, on y regarde la télévision, on discute, on se dispute. Un canapé un peu chargé, une table basse, le plat de riz. En périphérie l'extérieur : le terrain vague où les jeunes se rencontrent, la cours de l'école, l'entrée de la boite de nuit, le magasin en ville, le supermarché. Le dernier lieu est symbolique, celui sont énumérés, clamés les noms des victimes violences policières...

LE JEU
Il y a plusieurs registres de langue : poétique pour dire les pensées secrètes et les adresses au spectateur, réaliste, presque cinématographique dans les dialogues.Le jeu respecte ces différents registres, on passe d'un type à l'autre sans transitions. , les personnages passent d'une espace à l'autre et traversent les différentes couches psychiques sans transition. Ils nous adressent certains moments (analytiques), et parlent quotidien immédiatement après.

LA MUSIQUE est omniprésente. Une musique originale, ambiante, crée de la tension tandis que les songs « Qui sera le prochain » (victime des violences policières) sont dits en musique et évoquent le slam.

LA LUMIÈRE
En lien avec la scénographe, le créateur lumière propose des espaces lumineux qui opposent intérieur et extérieur. Pour les espaces réalistes, des accessoires lumineux seront utilisés (lampes de salon, néon, enseignes…)

LE SON
Les acteurs sont sonorisés, les textes dits dans le salon des Diarra sont repris par un micro d'ambiance, de manière à permettre aux acteurs de chuchoter, tandis que les adresses public sont à voix nue, interpellent le public. Un travail de bruitage permettra également de plonger le public dans l'intimité familiale (cafetière, cuisine, douches…)

LES COSTUMES
Les vêtements que portent les personnage sont quotidiens. Ils indiquent les passage du temps.

LA DANSE
La scène finale, collective, la révolte est chorégraphique, proche de la transe.

« J'ai 11 ans.
Je rêve de chiens.
Depuis toujours je rêve d'un chien.
N'importe quel chien.
Toujours de chiens.
Alors quand on commence à parler de posséder un pavillon tout de suite je pense le jardin, la niche du chien.
Tout commence par Un lopin dessiné par le cadastre.
Propriété hante les conversation des parents. On va dans des banques.
Mes parents demandent des acomptes.
Le banquier dit bonjour monsieur Diarra, avec un sourire qui n'existe pas. Acte de propriété.
La viande de la sauce devient plus rare.
Et au dîner ma mère se met à couper les pommes en deux pour Ramata et moi.
L'odeur de terre retournée et humide qui pique mes dimanches embrumés. Les week-ends, on visite les maisons-témoins.
Du ciment et le gris du du béton.
Un ennui enfantin qui se nomme Bouygues, Phénix et épigones.
Témoins aussi les cuisines équipées les canapés chez conforama les salles de bains en émail. Des carrelages éblouissant de routines à venir. J'attends que ça passe en rêvant canin.
Puis viennent les dimanches où avec Ramata et le Petit Seydouba nous jouons sur le chantier de notre maison. Et sous la terre creusée de fondations, les sacs en gravats, les poutres qui blanchissent, mon oeil voit se dessiner les fleurs de notre jardin bordé d'une clôture blanche. Et je pense canidé. Encore et toujours les chiens me hantent »

Eva Doumbia a grandi à Gonfreville l'Orcher commune ouvrière dans la banlieue du Havre) d'une mère normande et d'un père malinké dans un milieu qui brasse ouvriers syndiqués, travailleurs immigrés, étudiants africains, instituteurs communistes. Sans doute cela constituera l'hybridité et la liberté de son travail, qui emprunte à la musique, littérature, danse, aux sciences sociales, à la cuisine ou à la coiffure.
Après des études en Lettres modernes et théâtrales à l'Université de Provence, Eva Doumbia se forme
à l'Unité Nomade de Formation à la mise en scène notamment auprès de Jacques Lassalle, Krystian Lupa et André Engel/Dominique Müller. Anges fêlées, son premier roman est publié chez Vents d'Ailleurs.
Elle propose également des événements pluridisciplinaires et afropéens : Africa Paris au Carreau du Temple (2015) et Massilia Afropea (2016 et 2018).
Depuis septembre 2019 sa compagnie occupe le Théâtre des Bains Douches à Elbeuf.
Ses dernières réalisations sont :
En cours : « Autophagies », Eva Doumbia et Gauz, création prévue au Festival d'Avignon.
2019/2020 : Devoirs Surveillés, série théâtrale en 5 épisodes écrites en collaboration aves des lycéen·nes et collégien·ne·s d'Elbeuf.
2018 : Badine (re-création) d'après On ne badine pas avec l'amour, d'Alfred de Musset
2017 : Performance Communauté Ecrits pour la Parole, de Léonora Miano
2014 / 2017 : La Traversée - Recréation au Théâtre National de la Criée, textes de Maryse Condé, Yanick Lahens, Jamaïca Kincaid, Fabienne Kanor
2012/17 : Ecrits pour la Parole/Afropéennes, textes de Léonora Miano d'Avignon.
2013 : Le Fond des Choses de Léonora Miano
2012 : Soundiata Keita raconté à Sundjata textes de Marie Louise Bibish Mumbu
2011 : Moi et Mon Cheveu, le Cabaret Capillaire, textes de Marie Louise Bibish Mumbu.
2011 : Sous Chambre d'Edward Bond.

L'écriture rigoureuse d'Eva Doumbia fouille le réel en puisant dans les témoignages récoltés au gré des rencontres et des collaborations, et va chercher dans la langue vernaculaire comme dans la métaphore onirique – bref dans la langue véritable des jeunes avec ou sans « origines » – ce qui pourrait formuler au mieux le fait de ne pas être blanc. » "Atelier des genres et des identités, Le Iench compose une fresque humaine où la nuance est la première exigence, où le sujet non blanc prend le micro à la première personne, le regard droit et la tête haute. Avec ses personnages, avec ses comédien.ne.s, Eva Doumbia construit un théâtre hospitalier, où l'on entre avec politesse et respect, comme un voisin ou un invité venu de plus loin, et où la famille et les amis, sur scène et dans la salle, s'imposent en premiers alliés contre les violences systémiques et les assignations à une citoyenneté de seconde zone. Agnès Dopff – Mouvement

Pièce autant que manifeste, Le Iench dessine toutes les violences, tous les traumatismes endurés, des plus banals aux plus tragiques, dont sont victimes les personnes issues de l'immigration. À la diversité des niveaux de récits répond la richesse de l'écriture d'Eva Doumbia, passant de dialogues à la langue prosaïque à d'autres paroles poétiques, voire lyriques. Emmenée avec conviction par la metteuse en scène – dont on pressent les inspirations autobiographiques – et joliment interprétée par la troupe d'acteurs réunie, cette fresque ambitieuse touche au cœur par sa démarche et son énergie. Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr

Dans Le Iench, Eva Doumbia dénonce les violences quotidiennes d'un monde raciste et patriarcal à travers une fiction familiale. Incarnée par une belle équipe d'acteurs, cette pièce-manifeste dit la nécessité d'un théâtre à l'image de la société. Anaïs Heluin – La Terrasse