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saison 2021/2022

Ouïe
Le sens du son

CLOWN | DÈS 10 ANS
Ludor Citrik & Le Pollu

Mercredi 9 & jeudi 10 mars 20h
Durée 1h20
Le Drakkar

Tarif A | Réserver

 

Création et interprétation Cédric Paga, Camille Perrin. Supervision auditive Paola Rizza. Écriture Cédric Paga, Camille Perrin, Paola Rizza. Création et régie lumière Benjamin Guillet.

Ouïe (n.f.) : organe de perception et de réception des bruits du monde.
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Alors que la planète croule sous le bruit des machines, de l'information et des faits alternatifs, des réseaux de communication et des gesticulations humaines, deux clowns tentent de mettre un doigt sur la bouche du monde pour libérer l'écoute et laisser s'exprimer de nouvelles harmonies. Réfugiés sur une scène pour retrouver la sérénité du calme, la rumeur du monde leur parvient, les inquiète les questionne ou les éperonne. Au coeur du spectacle, les manifestations du public se mêlent au brouhaha de l'époque, bruissant de paroles vides, de langues de bois, de lieux communs assénés, croirait-on, à un peuple d'idiots. Ludor Citrik et Le Pollu ont décidé de se pencher sur ces dialogues de sourds qui ne prodiguent que des méfaits. Intrigués par tant de vacarme inutile, ils goûtent et ressentent les sons, au propre comme au figuré, pour en connaître la saveur. Cela donne lieu à un concert qui tente de rapprocher John Cage (compositeur de musique expérimentale à l'approche révolutionnaire) de Carlos (chanteur de la bonne humeur et du tube facile), en brassant le haut de gamme et le bas du panier. Babil burlesque et glissades syntaxiques nous apprennent à rire des éléments de langage et de ces fameux sons de cloche qui sont les maux de notre temps.
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Spectacle présenté avec le soutien de l'ONDA Office National de Diffusion Artistique.
www.onda.fr

© Photo : Anne-Laure Consbruck, Mickael-Monin.

Production : AY-ROOP. Coprods, soutiens et résidences : Le Prato, Pôle National des Arts du Cirque, Lille | Les Scènes du Jura, Scène Nationale / La Paillette, Rennes | Kulturfabrik, Eschsur- Alzette | Le Sirque, Pôle National Cirque de Nexon-Nouvelle-Aquitaine /La Verrerie d'Alès, Pôle National Cirque Occitanie | TRIO...S, Scène de territoire pour les arts de la piste, Inzinzac-Lochrist | Furies – Arts de la rue - Pôle National Cirque en préfiguration, Châlons-en-Champagne avec le soutien de la mairie de Memmie | Carré Magique Lannion Trégor, Pôle national cirque en Bretagne | Réseau CIEL | Parc du Haut-Fourneau U4, Communauté d'agglomération du Val de Fensch / Transversales, scène conventionnée cirque, Verdun /La Méridienne, Théâtre de Lunéville, Scène conventionnée pour les écritures scéniques et croisées | Animakt, Saulx-les-Chartreux | Le Samovar, Bagnolet | Théâtre National de Bretagne, Rennes | Théâtre du Vieux St- Etienne, Ville de Rennes. Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication | DGCA et de la DRAC Bretagne.

Site de la compagnie

OUÏE
« À l'accordage »
Alors que la planète croule sous le bruit des machines, des avertisseurs et des gesticulations humaines, dans la cacophonie incessante des médiatisations à tue-tête où les flopées de réseaux de communications parlent en même temps et où l'Homo Oreilletus est constamment sollicité de répondre à ce brouhaha, 2 clowns bouffons tentent de mettre un doigt devant la bouche du monde.

Fable (résonnance de la dramaturgie de Ouïe)
Après les « événements », le public a délaissé les salles de spectacle, profitant chez eux de la floraison des propositions « à la demande ». Dans cette dystopie, 2 créatures clowns électrosensibles et le tympan à fleur de peau se sont réfugiées sur une scène pour retrouver la sérénité du calme. Mais à travers les murs, la rumeur du monde leur parvient. Certains bruits les inquiètent, d'autres les questionnent ou les éperonnent ; sans compter ces rires qui jaillissent dans le noir en face d'eux.
Au cœur (ou au chœur) de cette chambre d'écho, les manifestations sonores du public se mêlent aux relents de notre époque, à ses effets de manche et de spectacularisation. De l'appel des réfugiés aux voix clinquantes de l'opéra, l'ambitus vocal et ses grains se déploient et les clowns incarnent et ritualisent les airs du temps.

Le vivre-ensemble et le couple duettiste.
Comment dans ce brouhaha, s'entendre ? Comment se soustraire au dialogue de sourd, au quiproquo dans ce huis clos peuplé de bruits, d'ombres et de fantômes ? Ne plus parler mais dire, échapper aux lieux communs, aux paroles vides et à la langue de bois. Ne plus parler mais vibrer, dans cette tentation du grognement, du cri, de l'inarticulé, se frayer un chemin dans l'éloquence du son jusqu'à la révélation de l'harmonie.

Le projet et l'autre projet
Cet opus se propose de réfléchir joyeusement à la question de l'écoute : de ses présupposés, de son pouvoir d'imprégnation et de l'éloquence vibratoire. Il oscille dans le chant de l'antimétabole entre la musique de la langue et la langue de la musique. Cela donnera lieu, en sus, à l'élaboration d'un concert.

Le fantasme de Ouïe et autres transports métaphoriques
Nous tentons dans cette création de réconcilier John Cage (compositeur de musique contemporaine et expérimentale, penseur de la méta-musique à l'approche révolutionnaire) et Carlos (chanteur de la bonne humeur en salopette et du tube facile, fils de la psychanalyste et pédiatre Françoise Dolto).
Carlos chante : « Mais qu'est-ce que t'as doudou, dis donc. Doudou amadoue toi donc. Dédé au dodo, c'est bidon. Moi, doudou, j'ai tous les dons. »
John Cage lui répond : « Quand je veux écouter de la musique, j'ouvre ma fenêtre... ».
Nous essayons de mêler le bas de gamme et le haut du panier. Que l'amusique côtoie la sémiologie musicale comme le cerveau reptilien le néocortex. Que les sciences de la communication se frottent à la morosophie (l'intelligence de la connerie). Le rêve de dissiper le malentendu tout en prônant la fécondité du contresens dans le paradoxe de la multivocité (différentes voix s'emparent du clown) et de l'oreille muette.

L'OUÏE : le sens du son
Organe de perception et de réception des bruits du monde.

OUÏE (fine) :
« Les ondes vibratoires sont traduites par l'oreille en influx nerveux informatifs. C'est une perception psycho-affective des hauteurs, des sonies et des timbres, tournée vers l'extérieur ». La cigale mâle pour ne pas se rendre sourde en chantant à plus de 80 décibels, plisse ses tympans afin de se protéger contre l'intensité de cette puissance sonore autoproduite.
Le mot « ouïe » en linguistique est un hiatus (succession de deux voyelles appartenant à deux syllabes différentes). La consonne, qui est une façon que l'air expiratoire rencontre un obstacle dans le système phonatoire, en est absente.
OUÏE est une interjection du tympan à l'écoute du hiatus et de l'absence de consonne. Le grand OUÏE est un détournement de la notion nietzschéenne de l'Amor Fati (amour de ce qui arrive ou grand oui) qui prône un consentement créateur au jeu et aux métamorphoses des réalités.

Écouter, acoustiquer, entendre, ouïr
Le bruit de fond qui toujours subsiste sera au moins de 12 dB ce qui correspond à la respiration du public qui résonne sur les murs.
« J'entendrai des regards que vous croirez muets ». Britannicus (1669), II, 3, Néron Jean Racine
Un corps qui écoute est comme suspendu, en réception et en cours d'imprégnation. Pour l'acuité auditive, il est nécessaire de se taire et de prêter l'oreille, peut-être même de fermer les yeux. Comment « spectaculariser » cette action ?
L'audition est le seul sens qui jamais ne s'endort. Toujours prêt à nous prévenir en cas de danger. Avec sa capacité de focaliser au loin, c'est le premier sens avertisseur. Accompagné de raison, elle cherche la source, la provenance du son, sa causalité. De plus, l'audition domestiquée par les habitudes d'écoute et les jalons perceptifs, par cette faculté humaine qui est de reconnaître plutôt que de distinguer, de se raccrocher au connu plutôt qu'à l'inouï, frotte avec le pouvoir d'émerveillement du clown : aimer plus que comprendre, goûter plutôt que chercher à savoir. Apprécier le son-bruit dans sa consistance, sa granularité et son déployé. Donner à entendre est une des gageures de ce spectacle.
Entre le tumulte du monde, la pollution sonore ou le bruit sont à différencier des bruits au pluriel qui ont leur singularité parfois familière et réconfortante. Quoiqu'il en soit, l'oreille réceptacle de l'époque est la porte ouverte aux on-dit, aux ouï-dire, aux idées toutes faites et aux airs du temps.
La puissance d'évocation du son et sa narrativité intrinsèque nourrissent la propension du clown à ouvrir l'imaginaire, à créer des mondes dans le monde.
En forme de transition entre la réception et l'émission du son, convoquons Jean-Pierre Verheggen, poète belge et truculent qui introduit deux notions dans ses « opéras bouches » : la ouissance, jouissance de l'oreille et par l'oreille et la languedicapée ; la difficulté du dire et de sortir de l'approximation.

LA LANGUE : le sens de la saveur
Organe de perception des goûts dans la bouche.
LANGUE (châtiée) Mastication, déglutition, dégustation. Elle est au début de la digestion, en linéarité du système d'assimilation des aliments et des idées, avant que leur goût se perde en nous. Phonation. Elle sert à se produire et à se prononcer. Elle construit un système de signes linguistiques, vocaux qui semble aider l'humain à s'émanciper du grognement. La langue, sa musique et sa texture, interpelle le clown qui la tord, le pouvoir de qui la détient et son pouvoir de manipulation excite le bouffon qui la tire.

La communication et la musique de la langue
L'homme en voulant communiquer crée une musique composée avant tout par l'instrument du corps et ses résonateurs, mue par l'expression du visage et du langage corporel. La communication est avant tout le son de la voix et ses intonations puis en dernière instance la signification des mots. Aussi vrai que le plus significatif n'est pas ce que je dis mais comment je le dis. Ces réflexions sont issues de la recherche sur la communication non verbale et verbale.
Ce qui nous intéresse c'est de remettre le clown à l'origine de son instrument, ou comment l'air vocal devient phone, puis gromelot, puis logos. La langue comme matière. La musique serait comme l'ensemble des variations de hauteur, de voyelles, formant la courbe mélodique du langage. Le chant de la langue serait donc avant tout intonatif et tonal. La consonne composerait le rythme par ses accents démarcatifs. C'est aussi interroger la musique et ses présupposés, mettre en forme les bruits, les sons et leurs pouvoirs évocateurs. L'éloquence de « Ouïe » chemine joyeusement à travers sifflements, chuintements, murmures, susurrements, gazouillis, bourdonnements, chuchotements, marmonnements, ronchonnements, cris, hurlements, râles et plaintes, grommellements, ramages, halètements, gémissements, grognements, grondements, acclamations, pleurnicheries ou geignardises, lamentations, braillements, piaillements, beuglements, glapissements, vociférations, rugissements, trilles et arpèges, craquements et claquements, bruissements, babil, vocalises et discours, comme qui dirait l'ambitus entre la lallation (jeu verbal préparatoire à l'usage correct de la parole) et l'argutie (raisonnement ingénieux et subtil). Nous jouons allègrement du quiproquo, de l'hypercorrection, des lapalissades, des truismes et autres tautologies, des paronymies, des janotismes et autres glissades syntaxiques.

L'amplification
Après la leçon de la tour de Babel, l'homme n'ayant toujours pas compris, Dieu mit une grosse baffle à la terre. Deux clowns débarquent dans un espace condamné à l'amplification des sons.
AMPLIFIER (définition) : « Augmenter l'intensité, la quantité ou l'importance. »
Le clown n'est-il pas déjà une amplification ? Une sorte d'exhausteur d'humanité ? Qu'est-ce qu'il advient si on amplifie un clown ? Si on amplifie l'amplifié ?
Le théâtre dans sa mise en forme romance le monde et intensifie certains de ses traits, c'est aussi une sorte d'amplification. L'auteur vient de « augere » qui veut dire « accroître » et les personnages qu'il crée, viennent du latin « per sonar » autrement dit « pour sonner » qui, à l'origine était une invention d'un système de conduction du son placé dans le masque afin d'amplifier la voix de l'acteur.

La rencontre entre Ludor Citrik et Le Pollu
Ce spectacle, en préfiguration, est la rencontre de deux acteurs de la jubilation : Camille Perrin, figure emblématique de Brounïak, compagnie de musique spectaculée et créateur du clown Le Pollu et de Ludor Citrik, clown bouffon, alias Cédric Paga qui depuis 25 ans questionne les arts clownesques. Cette rencontre s'est faite lors de deux résidences organisées par CIEL (CIrque En Lorraine), à Artopie (Meisenthal, 57) par l'intermédiaire de Scènes et Territoires en Lorraine (Maxéville, 54) et à La Kulturfabrik (Luxembourg). Ces deux semaines ont permis la rencontre improvisée entre Le Pollu et Ludor ainsi qu'un début de recherche sur le travail du son.

CÉDRIC PAGA
Après une enfance smurfée et des études dilettantes et passionnées de lettres modernes, Cédric Paga plonge en 1992 et en autodidacte dans le spectacle vivant comme acteur danseur polymorphe. Il pratique notamment le théâtre masqué, le buto, le cirque et la pensée agissante. 2 groupes de recherche voient le jour à cette période florissante :
La Muse Gueule (performance circassienne) et les Surnuméraires (déployer le réel). En l'an de grâce 2000, il crée Ludor Citrik, un clown bouffon avec lequel il multiplie les expériences spectaculaires ayant attrait au débordement de la vitalité et à la puissance énergétique de la jubilation. Sa pédagogie est le fruit de sa recherche toujours en mouvement sur la figure du joueur et l'extension du domaine du ludisme.
Pédagogue : Enseignant auprès d'écoles (École Supérieure d'Art Dramatique de la ville de Paris) et au théâtre national de Bretagne (TNB), au CNAC, Institut Inernational de la marionette (IIM)... Intervenant auprès de professionnels (Regards et Mouvements, Ferme de Trielle et Chantiers Nomades.

LUDOR CITRIK
Ludor Citrik, clown bouffon, nait avec le nouveau millénaire. En 2002, il est lauréat de « Jeunes talents cirque » et crée au Prato « Je ne suis pas un numéro » (en 2003). A partir de 2004, il travaille le cirque improvisé avec « Chantiers de cirque » de la compagnie Flex et intègre « La maison des Clowns » de Giovanna D'Etorre. En 2007, il crée sa première sadicomédie : « Mon Pire Cauchemar », un quartet sur le clown des films d'horreur et la torture mentale. Puis en 2008 avec Isabelle Wéry une pièce intitulée « La Nudité du Ragoût » pour le sujet à vif du festival d'Avignon. La même année, il joue dans « Mignon Palace » mis en scène par Gilles Defacque et une Formerie chorégraphiée par Kader Belarbi à l'opéra de Paris. En 2009, il présente « La flaque » au théâtre de la cité internationale. En 2010, il confectionne avec le clown PA (Annicet Léonne) un hommage au clown traditionnel pour le Festival de Cornella en Espagne. En 2012, il crée un nouvel opus intitulé « Qui sommesje ? ». En 2014, il élabore une démarche autour de l'écriture spectaculaire, instantanée et contextuelle : « Rance Gression ». Puis, il confectionne avec Jean-Michel Guy une circonférence sur le clown et planche sur un essai autour de la praxis de l'acteur organique et du clown bouffon.

CAMILLE PERRIN
Il est né vers la fin juin de 1977 à Nancy. Contrebassiste tout terrain, musicien aventurier, interprète et compositeur tous azimuts, il milite pour le défrichement des esprits par l'ouverture des oreilles en explorant de nombreux aspects de la création.
Sa formation classique au Conservatoire National de Région de Nancy a été par la suite enrichie par les nombreuses rencontres qui ont jalonné son parcours personnel d'exploration et nourri son appétit d'improvisation avec un goût immodéré pour le « Jeu » dans tous les sens du terme. Actif au sein de collectifs de musiciens et de nombreuses associations, il aime travailler sur le mélange des genres et pratiques artistiques, comme en témoignent de nombreuses créations pluridisciplinaires. Au coeur de projets et formations aux styles musicaux très différents, il a beaucoup tourné en France et en Europe. Son chemin a croisé les planches du théâtre, de la danse, du spectacle de rue et du cirque où il est à la fois musicien et acteur. En 2010, il co-fonde la Compagnie Brounïak « Musique spectaculée » et créé le duo de Hip-hop-féérique et bouffonnant « Peter Panpan ». En 2013, son amour du Clown explose et il ne peut se retenir de créer « L'Oripeau du Pollu », solo de Clown dont il est auteur et interprète. Il cherche et trifouille depuis 2010 les ressorts du jeu d'acteur et l'art clownesque en autodidacte et suit quelques stages avec Pierre Pilat, Ludor Citrik, Guillaume Baillard, Michel Dallaire et Christine Rossignole... Il anime également un atelier de musique et théâtre avec des patients hospitalisés en milieu psychiatrique depuis une dizaine d'années et organise le festival annuel « Les 100 ciels » de musiques libres, ainsi que le « Bouna Festival » de la Cie Brounïak. Il a participé à une dizaine d'enregistrements d'albums et tourné quelques clips jubilatoires.

« La cascade de situations dans lesquelles nos olibrius se prennent les doigts et les pieds ne s'arrête jamais. De mots en gestes, d'incompréhensions en lapsus, de beuglements en silences, près des baffles ou pas, les fréquences sonores de ce dialogue de sourds montent et descendent sans paliers de décompression. Les seuls qui écoutent et entendent à merveille sont les spectateurs, qui jouent les échos avec talent. » Rosita Boisseau, Le Monde

« Déjanté et plutôt répugnant, l'extraordinaire clown Ludor Citrik s'allie à un autre bouffon, Le Pollu, pour écouter les bruits d'un monde aussi fou que stupéfiant. Bien entendu, les deux pauvres hères n'ont aucun tabou et ils iront, pour mieux le connaître, jusqu'à goûter et ressentir le son, au propre comme au figuré, avec une verve décapante. » Stéphanie Barioz, Télérama