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saison 2020/2021

Jeu. 8 avril

Durée 1h55
Séance scolaire
Ven. 9 avril 14h

Grande Salle
Tarif A

La mère coupable

THÉÂTRE | DÈS 12 ANS
D'après Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Mise en scène Laurent Hatat, Cie anima motrix

« Chacun a bien fait son devoir ; ne plaignons point quelques moments de trouble : on gagne assez dans les familles quand on en expulse un méchant. » Beaumarchais
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La Mère coupable est le dernier volet de la trilogie de Beaumarchais (Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro). La pièce se déroule en France, où le Comte Almaviva et son épouse Rosine se sont installés. Le Comte veut y dénaturer ses biens. Ce dernier n'a jamais pardonné à la Comtesse ses égarements avec le page Chérubin, dont elle a eu un enfant : Léon. Monsieur Bégearss, un Irlandais, s'est introduit dans le foyer. Figaro et Suzanne, au service du Comte, le soupçonnent de vouloir trahir toute la famille…
L'adaptation de Thomas Piasecki, la mise en scène contemporaine de Laurent Hatat et la place centrale du jeu des comédiens donnent un sentiment de familiarité et de proximité avec le spectateur, pour nous livrer une interrogation ludique du monde social. Qu'en est-il aujourd'hui de la place des femmes, de la place de l'autre, de la lutte contre le déterminisme social et du rôle de l'argent ? Une saga, entre drame et comédie, où nous verrons qu'il est toujours intéressant de parler des ennuis de la bourgeoisie pour se jouer de la vivacité et de la gaité d'aujourd'hui.

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«Laurent Hatat s'amuse en entremêlant les langues. Il insuffle à la pièce une dimension humaine et intemporelle, qui renforce ingénieusement la complicité entre certains personnages tout en donnant à d'autres une force tragique. Il est à gager que cette Mère coupable, une fois frottée au public, touche juste et rappelle à chacun, la force destructrice des secrets, le pouvoir salvateur des fautes.» L'œil d'Olivier

Adaptation Laurent Hatat, Thomas Piasecki. Avec Olivier Balazuc, Azeddine Benamara, Anne Duverneuil, Emma Gustafsson, Kenza Laala, Pierre Martot, Mathias Zakhar. Lumière Anna Sauvage. Univers sonore Julien Tortora. Costumes Isabelle Deffin. Régie générale Roméo Rebière.
Production anima motrix. Coproductions : Comédie de Picardie à Amiens, Le Bateau Feu – Scène Nationale à Dunkerque, Théâtre de Choisy-le-Roi – scène conventionnée art et création, Escher Theater. Soutiens : La Chartreuse/CNES, dispositif d'insertion de l'École du Nord. Avec la participation artistique de l'ENSATT. Anima motrix est soutenue par la DRAC Hauts-de-France / Ministère de la Culture et la Région Hauts-de-France.

© photo : DR

Site de la compagnie

« La Mère Coupable recèle une force irrésistible d'au delà des mots. Des «impressions» à faire chavirer le monde ! »

Jean Goldzink, in « Beaumarchais dans l'ordre de ses raisons »

Rencontrer la belle inconnue
Il y a quelques temps déjà, j'ai entrepris un trilogie sur le XVIIIème siècle, Nathan le Sage de Lessing, Nanine de Voltaire et, déjà, La Précaution Inutile (Le Barbier de Séville) de Beaumarchais.
Quelques saisons et 250 représentations plus tard, et d'autres virevoltes contemporaines, je veux revenir à Beaumarchais et sa dramaturgie fondatrice. Un Beaumarchais inconnu : La Mère Coupable. Le dernier volet du « roman de la famille Almaviva ». On y parle de secret de famille, d'amour et de mort, d'enfants déshérités, de domination masculine, de religiosité fanatique, de divorce, d'indépendance rêvée et de culpabilité féminine construite et entretenue. On y parle de compromission politique, de manipulation et de fraude fiscale. Je veux présenter cette belle inconnue car on y parle d'aujourd'hui.

Démaquiller la belle poussiéreuse
Bien qu'en pleine tourmente révolutionnaire, la création de La Mère Coupable à la Comédie- Française fut un immense succès, pourtant aujourd'hui la dernière pièce de Beaumarchais reste souvent incomprise : c'est que l'auteur y revient au genre intermédiaire, entre comédie d'intrigue et tragédie, le drame. L'émotion, l'enjeu de l'émotion du spectateur est central. J'aime ce théâtre pourvoyeur d'idéaux, fondateur de notre rapport à l'art dramatique comme enjeu de culture mais qui ne s'épargne ni la fable ni les émotions, de la gaité aux larmes. 
La pièce est trop souvent décrite uniquement comme « sérieuse ». Pourtant après avoir soufflé sur la poussière de l'exemplaire et s'être adonné à une relecture attentive, elle se présente comme tout à fait colorée : Almaviva déboussolé, Rosine si touchante, Figaro beau parleur, Suzanne claire et forte, Bégearss dangereux…
Nous sommes en plein chaos !  

Et la mettre nue, la fable
Nous sommes 20 ans après Le Mariage de Figaro. La famille Almaviva débarque à Paris en pleine révolution française. Léon le fils cadet d'Almaviva et de Rosine, devient le seul héritier légitime après la mort de son frère ainé. 
Et Léon aime Flore, la jeune fille qu'Almaviva a recueillie comme pupille… en réalité sa fille ! Flore aime Léon, l'inceste plane. 
Sur ce, Almaviva découvre grâce aux manœuvres de Bégearss, « l'ami de la famille », que Léon est l'enfant d'un autre et d'une « mère coupable ». Léon est le fruit des anciennes amours de Rosine et Chérubin. 
Depuis la Comtesse se consume en honte et en chagrin. 
Almaviva, blessé dans son orgueil, décide d'éliminer Léon. Il veut donner Flore à Bégearss, transformer tout l'héritage familial en monnaie sonnante et trébuchante et en doter Flore. Coup triple contre la mère, contre le fils et pour la fille illégitime. L'occasion pour Bégearss, qui est un profiteur très habile avec l'argent, de capter tout l'héritage, la fille et de spolier tout le monde.
Mais Figaro et Suzanne veillent. Il faut encore une fois défendre cette famille minée par les secrets, la honte et l'aveuglement, la défendre de l'intérieur, contre ses propres démons, contre elle-même alors qu'au dehors les soubresauts révolutionnaires menacent.   

Laurent Hatat 

Jouer devant le miroir
Mon projet est plus que jamais d'explorer les débats intimes, sociaux, politiques qui agitent le monde d'aujourd'hui, d'en pointer et démontrer les mécanismes de domination, de violences.
J'ambitionne un théâtre charnel, qui sait aussi s'affranchir du langage, c'est la puissance des corps nécessaires que je souhaite mettre en oeuvre ici aussi. Travailler sur un texte du XVIIIème et particulièrement avec un auteur comme Beaumarchais, c'est poser la question du miroir contemporain qu'offre le large champ des questions sociétales abordées : la filiation, le patriarcat, l'émancipation féminine, les rapports de classe, la place du religieux... autant de tensions, de ruptures que je veux transcrire dans la folie des corps au plateau. Jouer de la vivacité et de la gaité d'aujourd'hui pour créer nos « impressions ».

S'approcher et vous toucher
Je souhaite une Mère Coupable qui donne un sentiment de familiarité, de proximité au spectateur. Ce « rapprochement », qui abolit toute dérision, est un enjeu crucial pour créer l'émotion du coeur et de l'esprit. J'ai proposé à Thomas Piasecki, un jeune auteur et metteur en scène dont j'aime l'audace des textes qui mêlent l'intime et le politique, de travailler avec moi à une adaptation contemporaine de la pièce. Avec Thomas, nous allons donner la possibilité à Beaumarchais de poursuivre aujourd'hui son interrogation ludique du corps social, contemporain cette fois.
En rééquilibrant la parole de Flore, de Suzanne, desservies à l'origine par leur rôle social d'ingénue et de servante, nous révèlerons sans doute une réalité moins flatteuse que celle qui se donne pour acquise dans la mythologie républicaine et son discours sur l'égalité. Qu'en est-il aujourd'hui de la place des femmes, de la place de l'autre, de la lutte contre le déterminisme sociale, du rôle de l'argent?

La provoc de Thomas
Adapter avec Thomas, jeune auteur contemporain, c'est aussi darder sur Beaumarchais d'une autre lumière et me donner un autre son de cloche ! Pour ce dossier, j'ai demandé à Thomas un petit mot, insolent ai-je précisé.

« Avec Beaumarchais et plus précisément La Mère Coupable, la réécriture pourra être assez libre étant donné que quasiment personne ne connait l'histoire de la pièce ! 
Il est toujours intéressant de parler des ennuis de la bourgeoisie face à des bourgeois… Depuis l'adaptation au théâtre de Grand Cahier par Laurent Hatat quand j'étais au lycée à celle d'Histoire de la Violence en passant par HhhH et Retour à Reims, je me suis toujours dit : « le choix du livre me plait et l'adaptation théâtrale est largement réussie » alors pourquoi pas faire de même avec une œuvre poussiéreuse ? »

Thomas Piasecki

Et me voilà servi !

Laurent Hatat 

Des jeunes et des vieux, faire troupe
Il y a de très beaux rôles d'acteurs mûrs pour les personnages d'Almaviva, Rosine et Figaro. C'est le trio central de La précaution inutile que l'on retrouve ici vingt ans après. Et ils sont assez fidèles à eux-mêmes : Figaro y est très drôle et très actif, le Comte est assez odieux, mais heureusement résiliant, Rosine douée d'une grande sensibilité, mais qui la dévore de l'intérieur en proie à une sorte de folie religieuse. Et dans notre adaptation, il y a aussi quatre autres très beaux rôles pour de jeunes acteurs. Les deux enfants du couple, Léon et Flore tous deux bercés par les idéaux révolutionnaires et en rupture avec le conservatisme paternel et la fibre religieuse maternelle. Le méchant Bégearss devient ici un jeune avocat d'affaire ambitieux et Suzanne, prête à s'émanciper, est à peine plus âgée que les précédents.
Rendre vivant au plateau cet écart générationnel fait beaucoup le sel de l'affaire. Cela nous fait balancer du côté de la comédie pour revenir aussi vite dans le drame. Notre relecture décapée s'incarne dans une distribution volontairement contemporaine où les enjeux générationnels seront mis en pleine lumière.  

Dans un espace baroque et multilingue
Imaginons un peu : le chaos règne dans Paris. La famille est à peine débarquée du Mexique pour rejoindre Flore, les malles ne sont pas encore défaites. Des expatriés ! Ce petit monde décalé, multilingue et dysfonctionnel fait escale là où c'est possible. Ce sera la scène d'un théâtre désaffecté, désacralisé en somme… On y parle l'espagnol, l'arabe, l'anglais et l'allemand, et comme par magie, dans cet odéon occupé, en guise d'interprétation simultanée, le français s'illumine sur le mur. Refuge en temps de guerre, dernier tour de piste, la scène abandonnée redevient le lieu de la vie.

Laurent Hatat 

Laurent Hatat
adaptation et mise en scène
Avec anima motrix, compagnie conventionnée par la DRAC et la Région Hauts-de-France, Laurent Hatat aime questionner l'altérité, les rapports de domination sociale et les violences qu'ils induisent. 
Il a mis en scène plus de vingt spectacles avec des textes notamment d'A. Kristof, J. L. Lagarce, Voltaire, Aziz Chouaki, G.E. Lessing, Laurent Binet, Nancy Huston et récemment une adaptation de Retour à Reims du philosophe Didier Eribon. 
Laurent a été artiste associé à la S.N. l'Hippodrome de Douai, au CDN de Besançon, au Théâtre de la Commune d'Aubervilliers, au Théâtre du Nord-CDN de Lille. Cette saison, avec Emma Gustafsson, ils dirigeront ensemble la création d'Histoire de la violence d'Edouard Louis.

 

 

 

Thomas Piasecki
adaptation
Thomas Piasecki est fondateur de la Spoutnik Theater, compagnie très active dans les Hauts- de-France depuis une dizaine d'années. En avril 2008, sa première création est The Great Disaster de Patrick Kermann, puis Thomas attaque l'écriture et la mise en scène d'une trilogie.
En 2010, Sisyphski 1/3 met en avant le monde syndical et la bulle familiale dans les cités ouvrières avec le mythe de Sisyphe comme socle de référence.
En 2011, Après le déluge 2/3 traite de la place accordée aux femmes dans une société excitée par la loi du plus fort. En 2014, Thomas Piasecki écrit et met en scène FERIEN.
En 2017-2018 s'élabore le troisième et dernier volet de la trilogie : Les Crépuscules 3/3 : vivre 30 ans le temps d'une nuit, mélange de passé et de futur, des rêves d'un personnage passant de 16 à 41 ans en 12h.
Laurent et Thomas se connaissent depuis les années lycée de Thomas.