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saison 2019/2020

JEUDI 12 MARS 20H
durée 1h15
GRANDE SALLE
tarif A
CIRQUE / THÉÂTRE
À partir de 14 ans (Certains passages sont susceptibles d'heurter la sensibilité des spectateurs)
Spectacle présenté en partenariat avec SPRING*.

Clinamen Show

GROUPE BEKKRELL

Bienvenue dans l'expérience explosive du chaos inaugural !

Depuis plusieurs semaines, dans tout le pays, des femmes disparaissent, sans laisser de trace. La dernière en date : Céline Milanovic. Le Clinamen Show, cirque itinérant et mystérieux, s'agrandit. Les numéros, présentés en majeure partie par des femmes, se multiplient. Qui sont ces femmes qui prennent la parole ? Quel est le lien secret qui unit ces disparitions et le Clinamen Show ? A travers la brume des nuits de pleine lune, ou dans les clairs-obscurs du chapiteau, Michel.le Gass - officier de police amnésique- et Dolorès Dumèse - journaliste fascinée par la notion de Clinamen mènent l'enquête. Mais c'est quoi ce Clinamen ? Une conception de la nature entière, une théorie des chocs, une pratique de la rencontre, une érotique de la catastrophe, un carnaval des places… Les portes s'ouvrent et les femmes-créatures se déploient dans cette zone intermédiaire, nuage de perches littéralement suspendu au dessus d'un sol flou. A la croisée du cirque et du théâtre Clinamen Show est un cri, une prise de parole performative et émancipatrice. Clinamen - ou la joie libératrice du pas de côté. Bienvenue au Clinamen Show !

« C'est d'abord un pari scénographique qui a guidé le groupe Bekkrell vers cette nouvelle création. Un environnement que les artistes parviennent à habiter tout en renouvelant leur approche de l'agrès et en créant un univers troublant. » Journal La Terrasse

* SPRING : Festival des nouvelles formes de cirque en Normandie du 5 mars au 5 avril 2020. Proposé par la Plateforme Cirque en Normandie / La Brèche à Cherbourg, Cirque-Théâtre d'Elbeuf.

http://www.festival-spring.eu

Conception et interprétation Fanny Alvarez, Heini Koskinen, Océane Pelpel, Fanny Sintès. Co mise en scène Marc Vittecoq. Son Thomas Laigle. Lumière Clément Bonnin. Régie générale Adrien Maheux. Régie plateau Julien Lefeuvre. Costumes Léa Perron. Conception scénographique Sylvain Ohl, Eric Noel. Acolytes Marie-José Mondzain, Matthieu Gary, Fanny Austry.

Coproductions et soutiens (recherche en cours) : 2 Pôles Cirque en Normandie – La Bréche à Cherboug, Cirque- Théâtre d'Elbeuf, Le Prato – Pôle National des Arts du Cirque de Lille, CIRCa – Pôle National des Arts du Cirque d'Auch, Gers Occitanie, Le Carré Magique – Pôle National des arts du Cirque de Bretagne, L'Agora – Pôle National des Arts du Cirque de Boulazac, La Grainerie – Fabrique des arts du cirque et de l'itinérance, La Verrerie d'Alès – Pôle des Arts du Cirque de Languedoc-Roussillon, L'Hexagone – Scène Nationale de Meylan, Le Monfort Théâtre, DRAC Grand Est, Région Grand Est.

© photo : Massao Mascaro

Site de la compagnie

Clinamen show est la nouvelle création du Groupe Bekkrell. S'inspirant de concepts physiques, pour ce deuxième spectacle, nous nous intéressons à la notion de clinamen. Le clinamen est un écart, une déviation des atomes par rapport à leur chute dans le vide, ce qui les fait s'entrechoquer. Cette déviation est indéterminée et aléatoire et permet d'expliquer l'existence des corps et donc la création de la vie.

Le clinamen nous intéresse dans son rapport à la création, la transformation, la métamorphose. Nous nous arrêtons plus particulièrement sur la notion de métamorphose, mais pas simplement en tant que passage d'un état à un autre mais bien comme la coexistence des multiples états qui forment la métamorphose. En effet, la présence de ces multiples états simultanément crée une forme de tourbillon, de trouble qui nous oblige à regarder, à appréhender différemment le vivant. Nous retrouvons ce «trouble» de manière manifeste dans la mythologie, chez les héros, les sirènes, les chimères ou encore chez les transgenres, les schizophrènes, mais aussi chez tout un chacun. Au croisement de l'animalité, du mythe, du genre, nous voulons jouer avec des corps hybrides, en mutation. C'est bien ce frottement, cette porosité entre ces différents états que nous souhaitons explorer. cette envie de travailler sur la métamorphose arrive en réaction au déterminisme dans lequel la société, ou nous même, nous nous plongeons. A savoir : il est recommandé, voir nécessaire, pour se constituer en tant qu'individu, de se positionner dans ses orientations politiques, identitaires, sexuelles etc. La présence du trouble est bien souvent source d'incompréhension et d'exclusion. La métamorphose pour rendre hommage au potentiel qui nous habite, connu et inconnu. A nos différences et aux conflits qu'elles générent.

Ode à la décadence transformatrice, au chaos inaugural.

Pour cette nouvelle création, nous laissons de côté nos agrès de cirque mat chinois, corde lisse, bascule et fil tendu afin de donner place à un milieu aride, une scénographie brute, frontale, imposante, transformable à souhait. Un espace construit comme une zone, imprenable dans un temps imprenable. Suspendue entre le plancher et le grill du théâtre. Un lieu d'avant la construction, de tous les possibles. Lieu de l'autonomie, de l'indétermination de l'identité, de la place non assignée, fait de matériaux qui se relaient et qui s'entretiennent. Nous rêvons à un espace chaotique, fait de multiples niveaux, un espace mouvant constitué d'un amas de métal, de chairs, de câble, de corde. Nous envisageons ici un lieu et un temps où tout est possible. Comme l'écrit Roland Barthes « Il ne s'agit plus de retrouver dans la lecture du monde et du sujet, des oppositions mais des débordements, des empiècements, des fuites, des glissements, des déplacements, des dérapages. » Nous allons explorer cette zone, au risque de plonger dans l'exercice du doute.

Avec le concours d'Eric Noël et Silvain Ohl – deux créateurs-constructeurs, nous avons élaboré un dispositif scénique inspiré des perches de théâtre, comportant 13 perches de 6 mètres de long reliées par des poulies sur le grill et rattrapées de chaque côté par des râteliers. Pour se déployer, cette structure nécessite une hauteur de 7m50 dans un espace de 10 x 10 m et permet de développer un univers acrobatique et poétique surprenant, où l'image du radeau vient dialoguer avec celle du perchoir, de la forêt, de l'installation plastique…

Nous portons une attention toute particulière à la question du sol qui sera composé de tapis de danse miroirs et d'une nappe de fumée blanche qui accentuera l'effet d'une zone suspendue entre l'infiniment haut et l'infiniment profond. Des espaces et des êtres à priori définis, exposés au bouleversement.

Jouer avec le langage du cirque dans un espace inapproprié, presque hostile.

BESOIN LES UNES DES AUTRES

Au risque de vous surprendre, il semblerait que nous ayons besoin les unes des autres. Nous nous intéressons à la notion d'interdépendance, la dépendance réciproque, mutuelle. Autrement dit, nous observons la contamination entre chacune de nous, entre notre groupe et son environnement. Cela afin de considérer que tout existe grâce à l'altérité.

Que pouvons-nous faire ensemble, que nous ne pouvons pas faire seules ? Que sommes nous prêtes à négocier ? Qu'est-ce que nous ne céderons jamais ? Reconsidérer les codes de notre société, les rapports individuels et collectifs, les points de vue, les cadres établis. Questionner le choix d'être ensemble. Qu'est ce que ça facilite et qu'est ce que ça contraint ? Nous portons au plateau ces interrogations qui sont des ingrédients essentiels de notre écriture.

Le groupe comme bête à nourrir.

MATIÈRE PREMIÈRE
Nos quatre corps à explorer, redécouvrir, deviner, modeler à l'infini. Un corps, ce qu'il évoque, ce qu'il peut supposer, supporter dans ses déséquilibres, ses disparitions, ses déplacements. Un corps exprimant et signifiant, suant, sonore, faible et fort. Un corps est multiple, sachant et ignorant ses possibilités. Il convie l'imaginaire. Son langage universel invite à l'empathie.

VRAIS OU FAUX ?
Quels corps allons-nous montrer ou cacher? Nous voulons jouer avec des corps hybrides, en mutation, révéler leur animalité, leurs réflexes, leur anormalité, leur monstruosité. Nous sommes quatre corps qui peuvent n'en former qu'un seul, et se diviser à nouveau. Nous voulons redonner toute sa beauté au corps déjouant la sophistication issue des normes.

FÉMININS
Nous avons indéniablement des corps de femmes. Nous voulons jouer à décaler les attentes et sublimer les surprises. Des corps de femmes de cirque aux caractéristiques atypiques, tantôt solides, tantôt mous, déséquilibrés, unis, gainés, risqués ou suspendus… La force, la beauté, la féminité, la transpiration, la métamorphose, la faiblesse sont des qualités qui cohabitent et nous sommes attentives à ces complémentarités.

SONORES
Partir à la découverte de nos voix, celle de la peur, celle de la joie, celle du ralliement, celle du choc, du mouvement, du soulèvement, celle qui chante au bout d'un moment. Nous travaillerons à inventer une nouvelle langue, une ritournelle. La voix peut s'avérer dangereuse, elle se conquiert, elle dit, elle laisse croire, elle joue à parler, elle porte les prémices d'une incompréhension ou l'élan d'un poème.

Être à vif.

Nous travaillons depuis la création du Groupe Bekkrell, avec la philosophe Marie José Mondzain, présidente de notre association, mais avant tout amie, complice. Nous cultivons ensemble un lien fort d'échanges, entre ses connaissances, ses réflexions, et nos désirs créateurs, nos expressions corporelles. Nous envisageons la recherche dans nos disciplines comme étant primordiale et radicale. Cette recherche n'a pas forcément de but, elle est une quête possiblement fertile. De nos improvisations et propositions scéniques, notre amie philosophe tire des fils de pensées, analyse les images évoquées. Ensuite, nous décelons ensemble des axes de travail jusqu'à déployer une dramaturgie dont nous nous emparons pour la construction de nos spectacles.

Ses apports de ressources textuelles sont toujours les fondements, les sous-textes de nos créations. Le texte sur le radeau, tiré de l'ouvrage de Fernand Deligny, Le croire et le craindre, pour notre première création Effet Bekkrell, et maintenant Soulèvement de Marie José Mondzain elle même, pour ce nouveau chantier. Ce que nous appelons mouliner, ce sont ces heures de discussions que nous passons ensemble à se raconter ce que nous observons du monde. Une errance philosophique nécessaire à la réflexion de nos engagements vis à vis des spectateurs, aux positionnements que nous devons tenir. Car la scène est un jeu, mais sérieux. Ce lien intime que nous tissons participe au fait que nous considérons ces disciplines créatrices comme nécessairement poreuses.

Nous jouons vivement à mêler cirque et philosophie.

Clinamen Show du Groupe Bekkrell

C'est d'abord un pari scénographique qui a guidé le groupe Bekkrell vers cette nouvelle création. Un environnement que les artistes parviennent à habiter tout en renouvelant leur approche de l'agrès et en créant un univers troublant.

Des perches qui occupent habituellement le ciel des cages de scène, Fanny Alvarez, Sarah Cosset, Océane Pelpel et Fanny Sintès en ont fait les instruments privilégiés de leur imaginaire galopant. Occupant tous les niveaux de l'espace au fil du spectacle, elles constituent un barreaudage horizontal prompt à soutenir leurs courses, supporter leurs suspensions, emporter leurs corps vers des soulèvements étonnants, jusqu'à parfois les renverser vers des territoires instables. Fini les spécialités de chacune des acrobates ; ici, elles diluent leurs identités techniques dans un « show » qui porte bien son nom, faisant d'elles des actrices autant que des circassiennes au profit d'un spectacle total. Le spectacle est justement au cœur du propos, puisque c'est dans une mise en abyme qu'elles nous plongent : leurs personnages sont eux-mêmes les acrobates du Clinamen Show, sorte de cabaret qui sert de décor à un vrai polar, sur fond de disparitions inquiétantes pour lesquelles une enquêtrice et une journaliste s'affairent. Et le mystère de s'épaissir dans une atmosphère de plus en plus dense, sombre, propice au trouble… Le choix de la narration aurait pu paraître périlleux dans une telle proposition qui mêle les langages artistiques. En dépit d'une histoire qui se déroule de A à Z, la linéarité réserve de belles surprises : des personnages énigmatiques qui rompent le récit, des fausses pistes qui nous embarquent, des changements de décor à vue…

Un jeu de piste mené par des femmes puissantes

La métamorphose est au cœur de ce qui se joue sous nos yeux. De ça, nous sommes prévenus dès le début : « D'autres voix se font entendre, sur d'autres chemins », nous dit-on, alors qu'on nous encourage à « gratter le vernis des certitudes ». Car au final, qui sont ces femmes et quel jeu jouent-elles ? Dans ce gynécée à paillettes, on découvre une étrange communauté qui semble vouloir échapper à quelque chose. S'échapper du guet-apens de la société pour en proposer un autre… A la fois saintes et gorgones, elles proposent de « voir l'invisible et entendre l'inaudible ». Ce sera chose faite, autant avec des scènes glaçantes qu'avec cette séquence qui restera dans les mémoires, où la nudité est affichée de la façon la plus frontale et simple possible, brillamment assumée, avec humour et engagement. La drôlerie qui caractérisait déjà leur première pièce se décale ici, moins légère, mais jamais loin d'une volonté de s'émanciper d'un poids du monde trop lourd pour leurs corps et leurs esprits. Que faire alors de ces catastrophes subies qui changent les trajectoires et nous modifient ? La réponse est dans leur liberté de faire, dans leur euphorie, jamais hystérique, mais au contraire puissamment déliée vers d'autres échappées.

Nathalie Yokel | Journal La Terrasse
www.journal-laterrasse.fr