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saison 2016/2017

Léonie est en avance

(que l'amour doit donc être doux)

  • THÉÂTRE
  • MERCREDI 30 NOVEMBRE
  • 20H
  • GRANDE SALLE
  • DURÉE ESTIMÉE : 1H30
  • TARIF A
  • RÉSERVER
  • SÉANCE SCOLAIRE : JEU. 1ER DÉC. 14H

D'APRÈS LÉONIE EST EN AVANCE  DE GEORGES FEYDEAU CONCEPTION, ÉCRITURE & MISE EN SCÈNE THOMAS GAUBIAC

COMPAGNIE ROSA M

 

Dans la famille de Léonie, tout est petit, mais chacun se voit grand. Tout est question de perspective…

Léonie est sur le point d’accoucher. Au bout de 8 mois, donc en avance. Cette naissance prématurée dénote dans la famille de Champrinet, elle dérange et c’est peu dire. D’autant plus que c’est Toudoux le père, un tout doux tout mou garçon sans particule. L’annonce de cet heureux événement, comme il est « normalement » d’usage de le qualifier, cristallise les aigreurs, exacerbe les tensions, aiguise les prétentions de ces petits bourgeois.

Avec la famille de Champrinet, Feydeau dresse le portrait d’une France de privilèges, une vieille France rance, usée, rongée à force d’arrangements, de mensonges, de faux-semblants. Un monde égoïste, assoiffé de victoire mais frappé d’impuissance. Ce sont ces contradictions, ces dissonances que Thomas Gaubiac veut orchestrer en convoquant le rire : la médiocrité de ce système, des créatures qui le peuplent, l’écriture vive et musicale de Feydeau appellent la fantaisie. Il y aura du décalé, du burlesque, des harmonies, un transistor et 6 comédiens.

DISTRIBUTION

Conception, écriture et mise en scène Thomas Gaubiac • D’après Léonie est en avance de Georges Feydeau • Jeu : Catherine Depont, Mireille Herbstmeyer, Christine Joly, Florence Lecci, Sylvain Luquin, Baptiste Relat • Collaboration artistique Florence Lecci • Costumes Anne Bothuon • Scénographie / Lumière Nicolas Simonin • Sons Vanessa Court


Production : Rosa M Coproductions : La Halle aux grains/Scène Nationale Blois, MCB° Maison de la Culture de Bourges/Scène Nationale, Culture O Centre dans le cadre de l’Aide à l’émergence, Ville de Tours/Label Rayons Frais, EPCC Issoudun/Centre Culturel Albert Camus. La Compagnie est conventionnée par le Conseil Départemental d’Eure-et- Loir. Le spectacle bénéficie des aides au projet de la Drac Centre-Val de Loire et de la Région Centre- Val de Loire. Soutiens à la résidence : CDN d’Orléans, Ville de Montlouis-sur- Loire, La Pléiade/Service culturel de La Riche et la Mairie de Tours. Construction du décor : Ateliers de la MCB° Maison de la Culture de Bourges/Scène nationale. Spectacle répété au CDN d’Orléans, à l’Espace Ligéria/Montlouis-sur- Loire, à La Pléiade/La Riche et au Théâtre Nicolas Peskine-Scène Nationale de Blois.

© photo : DR

Site de la compagnie

SI VOUS AIMEZ CE SPECTACLE, VOUS AIMEREZ PEUT-ÊTRE :

L'Île des Esclaves
Antigone
Yvonne, princesse de...

THÉÂTRE & CINÉMA

DIMANCHE 4 DÉCEMBRE 16H30

Mon oncle

DE JACQUES TATI (FRANCE – 1958)
Le grand Jacques Tati est une des sources d’inspiration de Thomas Gaubiac. Nous ne nous faisons pas prier pour vous proposer un de ses chefs d’œuvre, Oscar du meilleur film étranger, à redécouvrir en famille. [+]

AUTOUR DU SPECTACLE

SAMEDI 14 & DIMANCHE 15 JANVIER

STAGE CROISÉ FEYDEAU VS MARIVAUX

Ce week-end de jeu s’articulera autour de deux auteurs de répertoire que sont Feydeau et Marivaux. Anne-Sophie Pauchet et Thomas Gaubiac échangeront leurs casquettes de metteurs en scène : Anne-Sophie et un groupe de participants s’amuseront à monter une ou plusieurs scènes de Léonie est en avance, pièce de Feydeau montée par Thomas Gaubiac et accueillie à DSN en novembre 2016, Thomas et un autre groupe se frotteront à un extrait de l’Île des Esclaves, pièce de Marivaux créée par Anne-Sophie Pauchet en février 2017 à DSN. Deux regards différents sur deux registres des classiques français, pour de nouvelles interprétations ludiques et raisonnées. [+]

AUTOUR DU SPECTACLE

MERCREDI 30 NOVEMBRE, HALL DE DSN

LA GRANDE OURSE

Avant ou après le spectacle, La Grande Ourse (librairie café dieppoise) sera présente dans le hall de DSN et proposera des œuvres en rapport avec le spectacle. [+]
(Voir la sélection bibliographique (PDF) proposé par la Grande Ourse).

Monsieur de Champrinet est comte
Monsieur de Champrinet est noble
Monsieur de Champrinet est Français.
Monsieur de Champrinet a une femme
Monsieur de Champrinet a une fille
Monsieur de Champrinet a un gendre aussi.
Depuis huit mois.
Il s’appelle Toudoux.
Léonie de Champrinet s’appelle donc Toudoux, Léonie Toudoux, depuis huit mois.
(Cela ne plaît pas à tout le monde.)
Léonie Toudoux porte également un enfant, un petit Toudoux, depuis huit mois.
Ainsi s’est-on associé. Ainsi s’est-on mis en ménage.
Aujourd’hui, après huit mois (seulement) de gestation, Léonie accouche.
Et cela ne plaît pas à tout le monde. (Pas même à l’intéressée.)
Belle-mère, beau-père, sage-femme surgissent alors dans le jeune foyer conjugal.
Pour entourer la pauvre Léonie.
Et faire subir à son mari un supplice qui n’aura pas de limite.

« …L’atmosphère évoquée par Feydeau n’a jamais été aussi sombre, aussi mesquine, aussi sordide que dans cette pièce. Jamais le sort de l’époux n’était apparu aussi misérable : détesté et méprisé par ses beaux-parents quoi qu’il fasse, harcelé par une femme capricieuse, bousculé, dédaigné, exclu par une sage-femme aussi prétentieuse qu’ignorante, il ne bénéficie même pas des prestiges du martyr et un ustensile vulgaire – un vase nocturne – est le grotesque substitut de l’auréole qu’il eût si bien méritée. »

Henry Gidel – Léonie est en avance : notice in Théâtre complet tome IV

Léonie est en avance de Georges Feydeau met en scène, on l’aura compris, une cellule familiale, en crise.
Au coeur de ce dispositif, un homme.
Nommé Toudoux.
Maltraitance, humiliation : Toudoux est un bouc émissaire.
Sur lui, chacun décharge ses tensions, ses aigreurs.
L'expression de sa frustration.
Ainsi que cela se passe.
Ordinairement. On l’imagine.
L'accouchement prématuré de Léonie, ne fait qu'exacerber le fonctionnement d'un système
fondé sur le mépris de soi, le mépris de l'autre.
Système patriarcal, hétéro-normé, où il n'y a pas d'amour.
Mais de l'intérêt. Et des intérêts.

Posséder.
Toujours plus, toujours plus.
Sauver sa place ou faire sa place.
Etre puissant. Rester puissant.
Tel est l'enjeu. Dans ce système.

S'arranger.
Avec soi-même, avec les autres.
Pour le meilleur et pour le pire.
Se glisser dans des cadres. Entrer dans la norme (s'il faut).
Faire croire à. Faire croire que.
Mentir.
Tel est l’usage. Dans ce système.

S’unir pour mieux se détester…

Avec la famille de Champrinet, Feydeau dresse le portrait d’une France des privilèges, une vieille France rance, usée. Où on ne partage rien. (Surtout pas sa fille).
En unissant une jeune fille à particule à un tout doux tout mou garçon sans particule, il met en scène une lutte des classes qui devient le moteur d’un conflit.
Au sein de ce foyer : on déteste l’autre.
Celui qui est différent. Ce qui lui est étranger. Telle une menace.

Et s’il n’y a pas d’amour entre ces deux là, mais de l’intérêt, ce mariage devient suspect.
Fabriquer alors un mariage suspect. Révéler les failles de cette union.
Faire un gros plan sur un arrangement conjugal… dissonant.
Tel est mon désir.

La famille Toudoux-de Champrinet est la métaphore d'un monde où l'on avance masqué.
Un monde de faux-semblants.
Où l'on ne s'écoute pas, où l'on ne s'entend pas.
Où l’on ne se comprend pas.
Là, on ne parle pas, on gueule. On ne caresse pas, on frappe.
La communication est rompue et le conflit permanent.
Un monde égoïste, assoiffé de victoire mais frappé d'impuissance.
Devenu stérile à force de mensonge et de petits arrangements (finalement Léonie n'est pas enceinte).
Plus rien ne fonctionne (les appareils, les gens). La catastrophe est en marche.
Il n’y a qu’à s’étriper.
C’est la guerre, ici c’est la guerre.
Ça sent la mort. Chez ces gens-là.
Le crépuscule va tomber.

Faire entendre, donc, tenter de faire entendre, les contradictions d’un système mortifère, propre et chic (en apparence), donneur de leçons, recommandable et exemplaire (censé l’être).
Révéler la solitude des êtres (femmes abandonnées, absence de désir, désirs empêchés).
Jouer avec cela.

Par le prisme de l'intime.
Jouer et rire de cela.
Rire oui, rire, de ce tableau pessimiste.
Comme une échappatoire.
En réponse au marasme.
Rire pour prendre distance.
Même si le plateau fait écho à nos inquiétudes, en rire avec d’autres …

S’appuyer sur le texte de Georges Feydeau, accommoder ce matériau, à ma façon, au plateau, avec les corps, avec les voix, avec l’espace et les sons, y joindre d’autres textes, des chansons, d’autres matériaux et fabriquer un objet de scène féroce et drôle.
Tel est le projet.

Cela s’appellera : Léonie est en avance (que l’amour doit donc être doux) Léonie est en avance (que l’amour doit donc être doux) c’est une fantaisie crépusculaire. C’est une fantaisie…

Thomas Gaubiac mai 2015

« Il n’est pas difficile de constater chez un être humain une soi-disant défectuosité mentale ou physique et, à cause de cette soi-disant défectuosité mentale ou physique, de faire de cet être le centre de l’amusement de toute la société de ce genre de communauté.

La communauté en tant que société trouve toujours le plus faible et l’expose sans scrupule à ses rires et à la torture toujours nouvelle, de plus en plus terrible, de ses moqueries et de ses sarcasmes. C’est en imaginant et en inventant la torture toujours nouvelle et toujours plus blessante de ces moqueries et de ces sarcasmes qu’elle se montre la plus inventive. Il n’est qu’à jeter un regard dans les familles, dans lesquelles nous trouvons toujours une victime de la moquerie et des sarcasmes. Là où il y a trois êtres humains, il y en déjà un qui est toujours objet de sarcasmes et de moqueries une communauté plus importante en tant que société ne saurait absolument exister sans une pareille victime ou plusieurs d'entre elles.

La société en tant que communauté ne tire jamais son amusement que des infirmités d’un ou de quelques individus pris au milieu d’elle, on peut l’observer durant toute une vie et les victimes sont exploitées jusqu’à ce qu’elles aient touché le fond de la ruine. […] j’ai pu voir jusqu'à quel degré d'abjection peuvent aller la moquerie, la dérision, la destruction et l'anéantissement de ces victime offertes à la communauté et à la société : toujours jusqu'à l'extrême degré et très souvent au-delà puisque ces victimes sont tuées sans autre forme de procès.

Des exemples de cruauté, d’abjection et de brutalité exercées aux fins d’amuser une société en tant que communauté sur de pareilles victimes bien entendu totalement désespérées qui sont celles de cette société, sont des centaines, des milliers, comme nous le savons. Cette société en tant que communauté et inversement essaye effectivement tout sur elles dans le domaine de la cruauté et de l’abjection, presque toujours elle essaye tout, jusqu’à ce que ces victimes soient tuées. Il en va ici comme il en va toujours dans la nature : ses parties affaiblies en tant que substances appauvries sont attaquées en premier et exploitées, tuées et anéanties. C'est à cet égard la société humaine qui est la plus abjecte parce que la plus raffinée Les siècles n’y ont pas changé la moindre chose, au contraire les méthodes se sont affinées et devenues ainsi encore plus effrayantes, plus infâmes, la morale est un mensonge. L'homme soi-disant bien portant se repaît au plus profond de lui-même du malade ou de l'infirme et dans les communautés et les sociétés tous les soi-disant bien-portants se repaissent toujours des soi-disant malades, infirmes. »

In L’Origine - Thomas Bernhard