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saison 2017/2018

THÉÂTRE / JEUDI 24 MAI 20H / LE DRAKKAR / DURÉE 1H20 / TARIF B / CONSEILLÉ À PARTIR DE 14 ANS RÉSERVER

Le Fils

DE MARINE BACHELOT NGUYEN MISE EN SCÈNE DAVID GAUCHARD 

COMPAGNIE L’UNIJAMBISTE

Dérive politique et morale.

 

C’est l’histoire d’une femme de nos jours, issue d’une petite bourgeoisie provinciale, pharmacienne de profession. Par l’intermédiaire de son mari, elle est amenée à fréquenter des catholiques traditionalistes dont le discours radical semble l’attirer. Par souci d’intégration et d’élévation sociale, elle en vient à se rendre plus assidument à la messe, à lutter contre des spectacles jugés blasphématoires, à s’engager dans des groupes anti-avortement ou anti-mariage gay. Elle s’épanouira dans ce militantisme, tentera d’embrigader ses proches et ses enfants dans ce qu’elle considère comme l’aventure la plus excitante de sa vie.

Comment, de cercle d’amis en cercle d’amis, une mère peut-elle à ce point dévier et devenir étrangère à elle-même ? C’est cette notion de glissement de terrain, de processus, que David Gauchard a choisi de porter à la scène, s’appuyant sur l’écriture de Marine Bachelot Nguyen, portée par la belle sobriété d’Emmanuelle Hiron.

 

« C’est réussi. Le portrait que défend avec brio Emmanuelle Hiron est crédible de bout en bout. » L’HUMANITÉ

 

Avec le soutien de l’Onda - Office national de diffusion artistique

Texte de Marine Bachelot Nguyen. idée originale, mise en scène et scénographie David Gauchard • Avec Emmanuelle Hiron et un enfant claveciniste. Voix Benjamin Grenat-Labonne. Collaboration artistique Nicolas Petisoff • Création lumière Christophe Rouffy. Régie lumière Alice Gill-Kahn. Création sonore Denis Malard. Musique Olivier Mellano. enregistrement clavecin Bertrand Cuiller. Réalisation du décor Ateliers du Théâtre de l’Union. Administration Maud Renard. Diffusion La Magnanerie, Julie Comte et Victor Leclère.
La compagnie L’unijambiste est associée à l’Espace Malraux / scène nationale de Chambéry et de la Savoie de 2014 à 2018, en résidence à l’Espace Jean Legendre / scène nationale de l’Oise en préfiguration, et conventionnée par la Région Nouvelle Aquitaine et par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Nouvelle Aquitaine. David Gauchard est artiste coopérateur au Théâtre de l’Union, Centre dramatique national du Limousin de 2014 à 2018. Production L’unijambiste. Coproductions Espace Malraux, Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie – Théâtre de l’Union, Centre dramatique national du Limousin. Soutien du Théâtre Expression 7, Limoges – du Théâtre de Poche, scène de territoire Bretagne Romantique & Val d’Ille, Hédé – des Centres culturels municipaux de Limoges – de L’Aire Libre, Saint-Jacques-de-la- Lande – du CCM Jean Gagnant, Limoges – de la SACD, fond musique de scène.

© photo : Thierry Laporte, Léonid Andréïev

Site de la compagnie


«David Gauchard m’a lancé le beau défi, en tant qu’autrice, de me glisser intimement dans la peau et la parole de cette femme – sans jugement ni condamnation, sans indulgence non plus. Pour la rapprocher de nous, percer ses mécanismes, donner chair à ses égarements et impasses. Et revisiter, via son parcours de mère et de militante, un pan brûlant et clivant de notre histoire sociale et politique récente.» Marine Bachelot Nguyen

NOTE D'INTENTION DU METTEUR EN SCÈNE

Ce spectacle prendra la forme d'un monologue féminin, accompagné et soutenu par la présence d'un très jeune musicien. Comme à mon habitude, je souhaite appuyer, compléter le sens de l'oeuvre par la sensibilité d'une écriture musicale

J'ai rencontré Marine Bachelot Nguyen en juin 2011 lors d'une performance avec la compagnie Dérézo. Il s'agissait, pour une équipe constituée au hasard d'un tirage au sort (1 auteur, 1 metteur en scène, 1 comédien), de réaliser en 24 heures un spectacle. J'ai beaucoup apprécié l'écriture dynamique de Marine.

Lorsque j'ai éprouvé le désir de mettre en chantier un travail autour des thématiques que je développerai ci-dessous, c'est très instinctivement que j'ai pensé à associer Marine à l'écriture. J'aime son militantisme et son écriture engagée.

Dans la droite lignée de la complicité qui me lie à André Markowicz depuis 10 ans autour de la mise en scène de ses traductions des pièces du répertoire, je souhaite désormais m'associer à un auteur en co-écriture. Je veux pouvoir dialoguer à chaque étape de travail, chaque nœud dramaturgique. Marine Bachelot Nguyen sera présente aux répétitions ; elle m'accompagnera sur la dramaturgie, pourra réécrire si besoin quelques détails, accompagner la comédienne dans l'orientation esthétique de son interprétation.

Le sujet de la pièce me tient à cœur depuis très longtemps. C'est celui de la dérive. Comment de cercle d'amis en cercle d'amis une personne peut dévier de son chemin, de ses idéologies politiques et morales premières. Et ainsi devenir quelqu'un d'autre. Je trouve cette notion de glissement de terrain très intéressante à porter sur un plateau.

Deux évènements ont déclenché en moi la nécessité de travailler sur ce sujet aujourd'hui :
- le jour où il m'a fallu présenter une pièce d'identité pour aller récupérer ma fille à l'école maternelle en face du TNB car la rue était bloquée à cause des manifestations de Civitas à l'occasion des représentations du spectacle de Roméo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu.
- le suicide en juin 2014 de Peter, jeune gay, membre de l'association Le Refuge.

Après des années à mettre en scène des œuvres du répertoire, j'ai ressenti l'urgence de parler des clivages qui sous-tendent notre société, de toutes ces haines qui deviennent ordinaires.

Au départ, je souhaitais travailler une adaptation du Bouc de Fassbinder (traitant du racisme dans une petite communauté) en y intégrant le monologue de cette femme modérée qui, par ses fréquentations, devient une militante très active pour La manif pour tous. C'est ainsi que nous avons commencé le travail de documentation et d'imprégnation du sujet avec Marine Bachelot Nguyen. Puis la nécessité de faire de ce monologue un spectacle à part entière s'est imposé à moi.

David Gauchard


NOTE D'INTENTION DE L'AUTEURE

David Gauchard, metteur en scène de L'unijambiste, m'a proposé d'imaginer la parole théâtrale, le monologue d'une femme : l'histoire d'une femme, d'une mère de famille, qui, par concours de circonstances plus que par choix, se retrouve partie prenante des mouvements catholiques traditionalistes que l'on a vu ces dernières années se dresser contre le mariage pour tous, lutter contre le droit à l'IVG, ou encore manifester contre certains spectacles de théâtre public soi-disant infâmants pour la religion.

Ce qui m'intéresse particulièrement ici, c'est comment, au nom de la religion et au nom de Dieu, on peut en arriver à des discours de haine, de rejet et de mépris violent des autres, de paranoïa sociale, d'aveuglement intellectuel et spirituel. Ceci chez des catégories de population privilégiées, qui n'ont nullement à souffrir de pauvreté économique, de rejet culturel, d'humiliation ou d'exclusion sociale.

Mon défi d'auteure est donc d'entrer dans la logique d'un tel personnage, sans diabolisation ou condamnation préalable, en m'intéressant au processus qui se joue à travers. Faire émerger la parole de cette figure féminine, la faire exister dramaturgiquement, théâtralement, politiquement. Donner chair et voix au parcours d'une femme qui a glissé au quotidien, sans complètement s'en rendre compte, vers les franges et les idées les plus réactionnaires de la société.

Synopsis et premières pistes pour Le fils

L'histoire que je me propose d'écrire est celle d'une femme de nos jours. Croyante, issue d'une petite-bourgeoisie provinciale de Bretagne, elle est amenée, par l'intermédiaire de son mari et de leurs nouveaux cercles de connaissances, à fréquenter des catholiques traditionalistes, dont le discours a une radicalité qui l'attire. Par souci d'intégration et d'élévation sociale, elle en vient à fréquenter plus assidument la messe, à aller à des réunions militantes anti-avortement ou anti-mariage homosexuel, à participer activement à des manifestations, à s'investir dans leur organisation. Elle est de ceux et celles qui font procession contre le spectacle de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, à l'appel de Civitas, dans les rues de la capitale bretonne. Elle sera aussi parmi les Veilleurs, entamant chants liturgiques en cercle sur les places publiques pour protester contre la loi du mariage pour tous. Ou encore parmi les militants anti gender. Elle réussira à embrigader ses proches et ses enfants dans ce qu'elle considère comme l'aventure la plus excitante de sa vie.

Enivrée et aveuglée, dépassée et frénésique, elle ne verra pas venir, malgré les alertes, le suicide de son fils, victime sacrificielle et silencieuse de cette histoire.

J'imagine sa parole, sous forme de récit-confession, nette, nerveuse et impudique. Sans regret ou remords explicites, elle va livrer au public le récit de son ascension et de sa chute.

C'est sans doute une femme banale, qui recherche les expériences. C'est une mère et une épouse qui veut s'affirmer autrement. Elle aspire à l'existence, elle aspire à la pureté. C'est une femme en quête de Dieu et de repères, dans la décadence contemporaine.

C'est une révoltée, capable d'éructation et de douceur. C'est une femme qui nous parle de ses sensations sexuelles, après la messe comme après la manif. C'est une angoissée, travaillée par la peur de l'Autre, hantée par l'idée du péché. Le prochain ne lui est pas entré dans la chair. Elle prône sincèrement l'amour de Dieu, et pourtant elle suinte la haine. Elle voudrait rendre justice, elle est prête à saisir le glaive. Suivre la foule, appartenir au groupe, combattre les manifestations de ce qu'elle nomme le Mal lui procurent un rassurement infini. Elle veut des certitudes et du dépassement. Elle est pétrie de contradictions, d'affects, d'échafaudages délirants et rationnels. Elle va monter très haut, puis tomber au fin fond de l'abîme. C'est une femme banale, qui pourrait être notre voisine ou notre sœur. Elle nous est à la fois terriblement familière et lointaine.

Le fils qu'évoque le titre de la pièce est aussi bien le fils de cette femme (l'adolescent qui mourra faute d'avoir été entendu par sa mère, par sa famille, par sa communauté), mais aussi le fils de Dieu si puissamment évoqué dans le spectacle de Roméo Castelluci.

J'imagine cette femme hantée, habitée par des voix. Celles de théologiens et de maîtres à penser, celle de son propre fils qui tente de lui parler sans que jamais elle ne l'entende, celle de Dieu ou du Christ qui parfois viennent lui parler à l'oreille, etc. Le monologue pourra donc être troué par ces voix, injonctions, fragments de paroles.

Si le parti pris de la pièce Le fils est bien celui d'une fiction, cette fiction aura un fort ancrage documentaire, comme très souvent dans mes pièces. Un travail de recherche sur les mouvements catholiques intégristes en France et sur d'autres mouvements plus policés et ambigus, accompagne et précède l'écriture du texte. Car il me semble important que le parcours de cette femme et de ses proches s'inscrive dans une réalité historique et politique contemporaine précise.

Et si le tragique intervient dans la fiction, ce n'est pas pour célébrer l'inéluctable, ni provoquer une catharsis. Du théâtre, il faut ressortir la conscience aiguisée, intranquillle, et armée.

Marine Bachelot Nguyen, février 2015


NOTE D'INTENTION DU COMPOSITEUR

Pour cette nouvelle collaboration avec le metteur en scène David Gauchard, notre choix d'instrumentation s'est porté sur le clavecin, instrument à la fois révélateur d'une certaine classe sociale mais marquant une volonté de singularité par rapport à celle-ci.

Le clavecin étant l'essentiel du décor, la musique sera à la frontière entre la musique diégétique et extra diégétique. Elle sera la voix du fils et aura également un rôle narratif suivant l'évolution du personnage et incarnant clairement son épanouissement en même temps que sa perte.

La forme musicale sera une suite harmonique en perpétuelle évolution et donnera l'impression de progresser sans cesse comme aspirée par un ailleurs qui de dérobe en permanence, supérieur et inaccessible. Cette progression rendra compte de l'aspect tragique et inexorable du drame qui se joue.

La composition, au croisement de la musique baroque et de la musique répétitive, sera une série de 3 variations sur un même thème décliné en ordre de difficulté croissante. Les deux premières variations seront interprétées par un jeune musicien interprétant le fils sur scène, variation d'abord volontairement fragile puis plus assurée pour terminer par une variation virtuose, orchestrée comme un puissant maelström de percussions, de sons électroniques et de chœurs d'enfants qui embrasera toute la scène.

Cette pièce finale sera enregistrée par le claveciniste de renom Bertrand Cuiller.

Quelques fréquences graves à peine audibles viendront, à d'autres moments du récit, appuyer l'intensité dramatique à la manière d'un éclairage sonore.

Olivier Mellano


INSPIRATIONS, IMPULSEURS, PARTIS PRIS DRAMATURGIQUES
MARIE LUISE FLEISSER

Fassbinder dédie son film Katzelmacher, sorti en 1960, à l'écrivaine MarieLuise Fleisser. “J'écris avec un couteau, pour couper les illusions, les miennes et celles des autres” disait cette dramaturge et auteure. Son écriture rude, âpre, sans concessions me semble un impulseur et une source d'inspiration passionnante. Dans son récit Avant-garde (1964), elle raconte notamment, à la troisième personne, avec fureur et lucidité, son expérience autobiographique de femme vivant dans l'ombre d'un écrivain, d'un génie, Brecht en l'occurrence.

Adopter une énonciation à la 3ème personne, où une femme parle d'elle-même en disant “elle”, est une possibilité formelle pour le monologue que j'écrirais. C'est un dispositif de parole qui peut permettre la mise à distance, la précision et la froideur de l'analyse, l'ironie, et qui n'empêche pas le retour au “je”, son irruption. Dissection et émotion doivent se mêler dans la parole de cette femme.

BRECHT ET WEISS

Une autre phrase, utilisée par Fassbinder en exergue de son film, sera présente à mon esprit : “Mieux vaut faire de nouvelles erreurs que de mener les anciennes à un état d'inconscience généralisé” (Yaak Karsunke). Car nous sommes bien dans une époque où le substrat fasciste et raciste, présent dans l'histoire de l'Europe occidentale et dans notre inconscient collectif, est réactivé, réinscrit dans les discours et les actes au quotidien, dangereusement banalisé.
La condamnation de la barbarie des Autres est souvent un prétexte facile pour occulter les horreurs concrètes de l'histoire récente et actuelle de l'Occident judéo-chrétien.
Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde” : la phrase de Brecht écrite en 1941, résonne toujours en ce début de 21ème siècle. Face aux fondamentalismes et intégrismes de tous acabits, face à “la bête immonde” ou à la “banalité du mal”, il ne s'agit pas d'adopter des postures de résignation ou d'impuissance. Ni d'indignation convenue, ni de fascination pour l'horreur ou la haine. Mais bien de déconstruction, d'explication, de démontage patient et précis des mécaniques sociales, économiques, politiques et spirituelles qui sont à l'œuvre. Les Notes pour un théâtre documentaire (1967) de Peter Weiss (et notamment l'ultime note) me serviront de guide: “Le théâtre documentaire se dresse contre une dramaturgie qui prend pour thème sa propre fureur et son propre désespoir, et reste attachée à un monde absurde et sans issue. Le théâtre documentaire intervient pour cette alternative : la réalité, aussi impénétrable qu'elle se présente, peut-être expliquée dans chaque détail”.

CHEMIN DE CROIX

Le film Chemin de croix de Dietrich et Anna Brüggemann (2014), qui raconte le suicide d'une adolescente dans un milieu catholique intégriste contemporain en Allemagne, possède une structure et fait preuve d'une épure qui m'intéressent énormément. Son utilisation de références bibliques et évangéliques, sa succession de plans fixes, son regard depuis l'intérieur d'une famille, sans jugement explicite, me semblent d'une efficacité foudroyantes. Il constitue aussi une source d'inspiration possible.


Comédienne

Emmanuelle Hiron a été formée à l'école de théâtre ACTEA de Caen, puis à l'Académie Théâtrale de l'Union de Limoges.

Au théâtre, elle joue sous la direction de Silviu Purcarete (Dom Juan, De Sade), Philippe Labonne (L'échange, George Dandin, La cerisaie), Mladen Materic ( La cuisine, Séquence 3, Nouvelle Byzance, Un autre nom pour ça) et participe depuis le début aux créations de David Gauchard au sein de L'unijambiste (Mademoiselle Julie, Talking Heads, Hamlet / thème et variations, Des couteaux dans les poules, Richard III, Le songe d'une nuit d'été, Ekatérina Ivanovna, Inuk, Le fils). 

Elle joue aussi régulièrement pour la télévision et le cinéma.

A partir d'un travail documentaire mené depuis deux ans, elle signe avec Les Résidents sa première création au sein de L'unijambiste (création festival Mythos 2015).


Emmanuelle Hiron excelle à rendre l'inquiétante banalité de son personnage. Elle oscille entre le «je» et le «elle», passe de la gravité à l'humour sans changer de ton ou presque. La carrière, l'éducation des enfants, sa relation conjugale… Les inquiétudes qu'elle exprime sont celles de n'importe qui, de même que son jean et sa chemise. Le glissement du Fils est d'autant plus troublant qu'il loge dans les mots et les habits de tous les jours. Derrière les sourires les plus réconfortants. Politis

Cette femme, c'est Emmanuelle Hiron. Elle est la militante exaltée et narratrice. Calme, vite au bord des larmes, elle est plus vraie que nature, et l'histoire qu'elle nous raconte est rythmée durant 1h20, par des interludes joués au clavecin par un ado. Ce monologue écrit par Marine Bachelot Nguyen et mis en scène par David Gauchard pourrait être manichéen. Il ne l'est pas. Ce portrait de femme et de mère de famille est complexe. Si sa résurrection dans les bras de Jésus lui donne le sentiment d'y voir plus clair, elle reste aveugle face au virage vers le FN de son fils aîné et à l'homosexualité de son cadet. Elle lui sort, même à lui, tout un baratin pour le convertir à la cause de la Manif pour tous, anti-homos et pleine de FN !Une fois n'est pas coutume. Le Canard Enchaîné

«Mon défi d'auteure, explique Marine Bachelot Nguyen, a été d'entrer dans la logique d'un tel personnage, sans diabolisation ou condamnation préalable, en m'intéressant au processus qui se joue à travers.» Et c'est réussi. Le portrait que défend avec brio Emmanuelle Hiron est crédible de bout en bout. La comédienne ne force jamais le trait, ne perd pas la crédibilité du personnage, et c'est troublant. Car effectivement, à travers elle, c'est tout un processus qui est interpellé. Comment une femme, au départ ordinaire, disons d'une droite quelconque, peut glisser, s'enliser jusqu'à ne plus voir qu'autour d'elle vacille tout un monde, et que ses deux ados sont dans la tourmente. Entre deux «prières de rue avec des veilleurs», le refus de vente de moyens contraceptifs «Oh ! Désolé je n'en ai plus», les vitupérations répétées contre les pédés, l'avortement, et la banalisation des idées d'extrême droite – «Puisque les Machin votent Le Pen, des gens si bien, c'est que ce que ce doit pas être si mal que cela…» –, la pharmacienne perd pied. Sans en prendre conscience. A la fin, il sera trop tard. La démonstration est implacable. Et seule la mise en scène, ponctuée par de fugaces et jolies interventions au clavier du jeune Séraphim Ruiz, apporte un peu d'humanité et de couleurs d'espoir. L'Humanité

Seule en scène, Emmanuelle Hiron porte haut ce drame intime, tour à tour témoin de la lente glissade et incarnation subtile d'une femme figée au garde-à-vous d'un entrelacs de convictions, qui vacille comme au confessionnal et hasarde ses questionnements vers les spectateurs. Sur une mise en scène sobrissime de David Gauchard, la comédienne donne du texte sans concessions de Marine Bachelot Nguyen une interprétation aux nuances dentelées, laissant tout deviner des béances de Catherine. Une femme dont la fragilité masquée fait une recrue de choix, une mère aveuglée. Qu'on n'a pas vraiment envie d'absoudre…» Le Populaire du centre