Mirror Teeth

TEXTE NICK GILL
MISE EN SCÈNE GUILLAUME DOUCET
LE GROUPE VERTIGO

Jane Jones est femme au foyer. James Jones vend des armes. Ils vivent heureux en compagnie de leurs deux enfants, John, étudiant, et Jenny, lycéenne de 18 ans « sexuellement active ». Derrière ses airs de comédie potache, Mirror Teeth cache une réflexion subtile sur les rapports humains et sociaux.Joie de vivre et sourires appuyés rythment les journées de cette famille de classe moyenne occidentale modèle jusqu’au jour où Jenny ramène à la maison son nouveau petit ami : Kwesi Abalo, étudiant en économie d’origine africaine…
Diction déformée, adresse au public, surjeu, Mirror Teeth convoque tous les codes grotesques des sitcoms dans cette comédie décapante servie par cinq excellents comédiens qui explorent en finesse les clichés du conformisme occidental. La caricature n’est jamais loin du réel et toute la force comique de cette pièce se trouve dans la légère familiarité des situations vécues par la famille Jones avec notre réalité.

« MirrorTeeth, c’est un peu comme si un scénariste frustré de Plus belle la vie prenait sa revanche, et montrait que le paisible quartier du mistral est en fait un véritable lieu d’épouvante. » FRANCE CULTURE



VIDÉO

 

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J‘ai découvert cette pièce de Nick Gill en la lisant au cours de l’été 2011 à Londres, alors qu’elle venait d’être éditée et créée avec beaucoup de succès au Finborough Theatre.
Ce qui m’a tout de suite séduit à la lecture, c’est son double-fond. L’écriture au premier abord est très séduisante, très talentueuse, et très drôle. La pièce dynamite avec une joie communicative les clichés conservateurs de la famille middle-class européenne, à l’aide d’une ironie cinglante qui touche souvent très juste. En s’arrêtant là, elle ne serait qu’une comédie provocatrice bien ficelée, politiquement incorrecte mais finalement assez convenue dans son propos. Hors chaque fois, pour chaque situation, Nick Gill va chercher un peu plus loin, et sous la première couche de provocation facile, se cache un niveau d’exploration plus subtil de l’âme humaine, toujours plein d’humour, mais plus troublant et inquiétant, et plus inattendu.

Et autant les ressorts comiques évidents sont viscéralement joyeux à travailler, autant cette exploration plus crue des rapports humains, de la « géopolitique des corps » de la classe moyenne, est stimulante intellectuellement.
Un exemple flagrant est celui de la place de Kwesi, le petit copain black, dans la famille. Son arrivée sous les yeux de la mère débordante de clichés racistes (mais toujours polie) est un régal de comique de situation, mais la pièce ne s’arrête pas à cet évident rejet. Kwesi sera embauché dans l’entreprise du père, et étudiant en économie, il deviendra un ardent défenseur de l’économie libérale, la vérité des rapports humains passant dans la pièce un cap supplémentaire. Ce qui n’empêchera pas un nouveau retournement qui ramènera violemment Kwesi à sa position initiale.

Le cadre de la pièce pourrait être celui d’un sitcom aux limites invisibles (la façon de s’exprimer des membres de la famille rappelle au départ le Truman Show), et nous traitons sur scène ce rapport au sitcom, à ses espaces clos, qui sont des références pour toute famille occidentale contemporaine. Nous jouons à détourner la notion de quatrième mur, nous amusant avec les acteurs à interroger la place de ce fameux mur (en nous appuyant aussi sur la « porte qui a bougé » dont on parle régulièrement dans la troisième partie).
Nous avons exploré en répétitions certains codes du sitcom, en creusant la question du rapprochement dangereux (et amusant ) entre le vide télévisuel des espaces factices des sitcoms, et le vide bien réel qui s’installe parfois cruellement au coeur des rapports humains contemporains.
Les univers sonore et visuel se sont donc construits à partir de ce jeu de mise en confrontation du monde du dehors et d’une réalité artificielle.

Les murs du décor, coupés en hauteur, permettent aussi bien de représenter dans l’imaginaire le mur complet, que de créer un appui concret pour les acteurs, qui brise soudainement les codes de la représentation de la maison des Jones pour amener une autre théâtralité.

Nous avons créé pour le début de chaque partie un "générique", à partir de pauses reprenant les meilleurs moments de la vie des Jones, sur une musique composée par Maxime Poubanne, le créateur son du spectacle. Le générique, très joyeux et très démonstratif, s'amuse au fur et à mesure à reprendre des pauses issues des scènes les plus "violentes" ou les plus troubles de la partie précédente, et à les réintégrer comme des images présentées comme sympathiques car très vites récupérées par la bonne humeur de la famille Jones.
La pièce est avant tout une comédie, et avec les acteurs nous avons beaucoup travaillé sur le rythme, qui est l’épine dorsale de la comédie. La pièce se construit sur des enchaînements parfois très rapides, des temps de suspens, des répliques presque automatiques, des délais… qui participent à son humour très british.

A cause de son propos, de son rythme, de ce jeu avec la présence permanente d’un regard extérieur, la pièce invite à une grande proximité avec le public. La mise en scène s’applique à faire jouer les acteurs avec ce regard permanent, par des adresses publiques impromptues, qui peuvent elles aussi soit être prises dans la fiction, soit survenir comme des commentaires au présent du moment partagé par les acteurs et les spectateurs.
Nous essayons ainsi de faire émerger une double complicité du public avec les membres de la famille et avec les acteurs qui les interprètent.

Nick Gill est un jeune auteur, qui a écrit beaucoup de formes courtes, mais Mirror Teeth est sa première longue pièce jouée et éditée. C’est très excitant de mettre en scène cette jeune écriture, de ma génération, avec toutes les qualités et les défauts de la jeunesse. Les répétitions et le projet ont aussi été portés par ce souffle, par cette envie de porter à la scène ce texte fougueux et percutant d’un auteur encore inconnu du public français. (C'est la première mise en scène française de cette pièce).

Nous avons eu la chance et l'honneur de pouvoir confier la traduction à Elisabeth Angel-Perez, traductrice en France de Martin Crimp, Howard Barker et Caryl Churchill, elle-même ayant été très séduite par la pièce. Ca fait plusieurs fois que nous travaillons sur des textes traduits par Elisabeth Angel-Perez, et cette fois nous avons eu l’occasion échanger ensemble au cours de la traduction, intégrant les questions de jeu et de mise en scène que la pièce soulève pour nous. Nous avons pu aussi grâce à elle proposer la pièce à des maisons d’éditions, et le projet d'une publication est actuellement en cours, soit par l'Arche, soir par L'Avant-Scène.

L’équipe de Mirror Teeth est construite beaucoup à partir de fidélités, avec quelques nouveaux venus. La création de Tout va mieux, le précédent spectacle, avait été très agréable et nous avions particulièrement envie de poursuivre les collaborations en cours. Les répétitions et la création du spectacle ont été très heureuses, et je crois que le plaisir des acteurs et de l'équipe en général à travailler ensemble est également palpable et contagieux dans la salle.
Il était important pour moi de réunir une équipe qui partage la même exigence artistique, mais aussi un plaisir de travailler ensemble et de porter joyeusement à la scène cette pièce qui constitue pour nous une belle découverte. Nous avons la chance d'avoir entre les mains une vraie comédie de situation contemporaine avec un texte fin et puissant, et c'est une chance que nous savourons avec délectation, et une grande envie de la faire partager. GUILLAUME DOUCET

LA PROVENCE
Le jeu des comédiens, toujours plus absurde et parodique, renforce le cynisme du texte et rend les scènes comiques. Mais le spectateur rit jaune car, bien qu'il y ait une réelle exagération théâtrale, chaque réplique renferme une vérité sur le monde que nous avons formé et sur la société moderne. Avec finesse, pertinence et sarcasme, cette pièce dénonce ce que nous voyons tous, qui nous entoure et que nous n'atteignons pas. Elle brise les tabous pour révéler l'hypocrisie générale et le manque de tact. L'intrigue est bien construite et on observe, attentifs, l'effondrement de cette famille pervertie.

LES TROIS COUPS
Saluons d’emblée le courage de la compagnie rennaise Groupe Vertigo : il en fallait pour monter cette pièce ultracorrosive, qui plus est écrite par un jeune auteur britannique à notre connaissance très peu joué en France (…) La pièce n’est autre qu’une démolition en règle des hypocrisies et des tabous de la société occidentale moderne : violence, racisme, inceste, masturbation… Rien n’est épargné au spectateur. Mais la dénonciation prend la forme d’une comédie, et quelle comédie ! La pièce fait souffler un vent de fraîcheur (on devrait plutôt dire une tempête glaciale) vraiment rare sur les planches. Les répliques imparables s’enchaînent, les situations absurdes répondant aux paradoxes souvent noirs.

LE TÉLEGRAMME
C'est drôle, noir et grinçant. Et surtout, c'est joué avec un grand talent. Les spectateurs ont ri et applaudi les excellents comédiens du groupe Vertigo, dirigés par Guillaume Doucet.

OUEST FRANCE
L'écriture de Nick Gill est ciselée et observatrice. Elle dénonce tout système patriote replié sur lui-même et ses clichés. Le mérite de la pièce revient également à Guillaume Doucet, qui propose une mise en scène fort bien adaptée du texte, jouant sur l'alternance entre vision frontale et quatrième mur. Son autre réussite tient à son excellente équipe de comédiens, qui fait merveilleusement bien vivre la complexité déjantée de leurs personnages respectifs.

ALTER1FO
Guillaume Doucet continue son exploration de la société contemporaine et chaque fois surprend : cette fois ça semble léger, c’est acide à souhait. Sa mise en scène est nette, précise et sert admirablement le texte. Il y a aussi de l’épaisseur : on rit, mais avec une boule au ventre, parce que tout ça n’est pas si éloigné, parce que tout ça n’est pas qu’une caricature. C’est aussi agréable de retrouver ce groupe de comédiens, est-il nécessaire de rappeler leurs qualités, on ajoutera juste un plaisir sur le plateau palpable des gradins. Autour de Guillaume Doucet un joli esprit de troupe se dessine et ravit.

NICK GILL Auteur
Nick Gill est un auteur de théâtre britannique, également compositeur et musicien. Il a écrit de nombreuses courtes pièces notamment au sein du collectif d’auteur The Apathists, ou en collaboration avec le Theatre 503 à Londres. Mirror Teeth est sa première pièce longue, publiée en 2010. Elle a été sélectionnée pour le catalogue de la Convention Théâtrale Européenne et a été nominée pour un Off West-End Award dans la catégorie « Meilleure pièce » tandis que Nick Gill était nominé pour l’ « auteur le plus prometteur ». En 2013, sa pièce suivante « Sand » fut mise en scène au Royal Court à Londres et en 2014, « Fidji Land », sa dernière pièce a été jouée au Southwark Playhouse.

GUILLAUME DOUCET Metteur en scène
Guillaume Doucet est acteur et metteur en scène, formé à l'école du TNB sous la direction de Stanislas Nordey. Avec le groupe vertigo, compagnie qu’il a fondé en 2007, il s'’intéresse principalement aux écritures contemporaines, dont il aiguise le propos politique en jouant avec les codes du rapport au public et au présent de la performance. Il a notamment mis en scène Europeana de Patrick Ourednik, Pour rire pour passer le temps de Sylvain Levey, Nature morte dans un fossé de Fausto Paravidino (hors les murs) et Tout va mieux de Martin Crimp ; et prépare les créations de Dom Juan de Molière et de Love and Information de Caryl Churchill. En tant qu’acteur il a joué sous la direction de Stanislas Nordey dans Atteintes à sa vie de Martin Crimp, La Nuit au Cirque d’Olivier Py, Poétique d’August Stramm, Cris de L.aurent Gaudé, Das system de Falk Richter. Il a également joué sous la direction de Christine Letailleur dans Pasteur Ephraïm Magnus de Hans H. Jahnn, de Lazare Gousseau dans Pylade de Pier Paolo Pasolini.

LE GROUPE VERTIGO
Le groupe vertigo est une compagnie créée en 2007 par Guillaume Doucet et Faye Atanassova Gatteau. La composition en est mouvante. Elle fonctionne au projet, réunissant une équipe pour la création d’un spectacle et la mise en place d’actions de transmission autour de ce spectacle. Artistiquement, elle s’intéresse principalement aux écritures contemporaines, dans une théâtralité qui joue avec le rapport au public et au présent de la performance. Les actes de transmission, qui sont essentiels et construisent la place de la compagnie dans la société, s’appuient sur la conviction qu’une action pédagogique est un acte profondément politique.