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saison 2021/2022

LA LIN LI LA LIN

THÉÂTRE | DÈS 10 ANS
Conception et mise en scène François Lanel
Compagnie L'Accord Sensible
Coproduction DSN

Sam. 18 & dim. 19 septembre
19h15 | Durée 45 minutes
Tissage du Ronchay
Rue aux loups,
Luneray | Entrée libre

 

Collaboration artistique Agnès Serri-Fabre. Son Perig Villerbu. Costume Magali Murbach. Décor Charles Léonard. Lumière Vincent Lemonnier. Conseil musical Emmanuel Olivier. Et les participants au projet : Marie Asselin de Williencourt, Etienne Blondel, Corinne Boulenger, Judith Covo, Sandrine Covo-Kasprzak, Naniouma Diarra, Louis-Marie Feuillet, Valérie Fosset, Marie-Agnès Labram, Nicole Lardans, Anne-Lise Legagneux, Noémie Liard, Akio Mallet-Yamada, Emmanuel Reine.

« La question n'est pas de reconstituer un théâtre hors les murs ou de sublimer uniquement telle ou telle architecture, mais bien de considérer chaque espace comme le déclencheur d'une rêverie particulière. » François Lanel
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François Lanel conçoit ses pièces in situ en rassemblant tout un ensemble de rêveries et d'éléments disparates (images, anecdotes, machines, bruits...) qui s'imposent pour lui dans le travail. De là, jaillissent des rapprochements étranges, des improvisations improbables, à l'origine d'un théâtre pour le moins inhabituel. Pour LA LIN LI LA LIN, c'est la magnifique usine du Tissage du Ronchay à Luneray qui constitue le coeur de cette création participative et intergénérationnelle, impliquant une quinzaine d'habitants du pays de Caux. La dramaturgie de la pièce s'élabore au rythme des trouvailles révélées par le plateau, en résonance étroite avec cette usine qui a relancé en 2020 le tissage de la plante phare de la région : le lin. Tout un programme... Alors n'hésitez surtout pas à vous laisser surprendre par ce théâtre du dépaysement lors des journées du patrimoine / matrimoine en Normandie !

© photo : Thomas Desbonnets

Site de la compagnie

Un double projet

Une pièce de théâtre mise en scène par François Lanel au coeur du Tissage du Ronchay, avec des comédiens nonprofessionnels. Cette création participative a pour ambition de transfigurer ce patrimoine industriel vivant et unique en Normandie.

François Lanel accorde une grande importance à partager ses explorations artistiques avec des personnes dont ce n'est pas le métier. Il est sensible à la curiosité, à la générosité et à l'enthousiasme sincère des amateurs de théâtre.

Un documentaire réalisé par Chantal Richard sur l'aventure que représente la création théâtrale « LA LIN LI LA LIN » au Tissage du Ronchay.

Dans ce film qui s'écrit au fur et à mesure des répétitions, il est question de transmission, de générations, de diversité des situations sociales, d'hommes, de femmes et d'enfants qui, face au monde en mutation, en proposent un spectacle.

Comme pour tous les autres films de Chantal Richard, l'ambition de ce documentaire est d'être partagé avec un public le plus large possible, en Normandie bien sûr et bien au-delà, en menant cette histoire vers petits et grands écrans, télévision, plateformes, cinéma.

 

En 1995, François Lanel rencontre celui qui deviendra son meilleur ami, Stéphane Lardans, qui vit au sein d'une famille de tisserands à Luneray.

 

En mars 2020, Marion Diarra-Lardans, la soeur ainée de Stéphane, décide de reprendre l'entreprise familiale : le Tissage du Ronchay. Elle incarne la 6ème génération à la tête de cette usine au fort potentiel humain, historique, esthétique et politique.

 

Le Tissage du Ronchay transforme essentiellement du jute, une fibre asiatique destinée à l'ameublement, au revêtement de sol, à la sacherie… Mais Marion Diarra-Lardans mise aussi sur le lin : « je suis née là ! J'ai joué à cache-cache dans cette usine. J'ai toujours vu mon père et mon oncle se battre pour elle. Aujourd'hui, je crois qu'il y a un avenir local. Je veux relancer la toile avec la fibre la plus connue en Normandie : le lin. C'est une fibre noble. Beaucoup de gens s'offusquent que le lin qui pousse dans la région parte à l'étranger. Ici, nous n'avons pas d'investissement à faire dans les machines. Nous avons aussi le savoir-faire et des tisserands de qualité ». Le tissage est un secteur d'activité devenu rare en France et, dans un contexte de pandémie où les questions liées à la relocalisation sont au coeur des débats, ce projet de reprise « made in Normandie » prend tout son sens.

À travers ces quelques lignes, je tente de décrire mon approche du théâtre : un long cheminement, un mouvement perpétuel.

Une première forme
Je garde le souvenir marquant d'un cours d'arts plastiques au collège. Le professeur avait proposé de choisir une couleur et d'en faire ce qu'on voulait. Telle était la consigne. Pour la première fois dans cette matière, je me sentais libéré de toute contrainte figurative. J'ai opté pour le bleu puis pour le « système D ». J'ai déniché des tas de matériaux et des objets aux formes inspirantes qui traînaient dans ma chambre, à la cave ou dans la rue. Un morceau de polystyrène a particulièrement retenu mon attention. Grâce à de bons outils, je l'ai sculpté et fait réagir à différents solvants. J'ai obtenu une première forme bleue. Ça ne ressemblait à rien mais ça me plaisait. J'ai collé ça à autre chose et, petit à petit, j'ai fabriqué une grande bizarrerie : un agglomérat à la fois structuré et chaotique, réfléchi et décalé... En somme, tout et son contraire. J'y voyais un équilibre improbable, une forme d'harmonie, ignorant que cette modeste expérience de bricolage serait fondatrice pour moi.

La direction d'acteurs, la scénographie et la dramaturgie
Plus tard, quand j'ai commencé à faire du théâtre au Conservatoire, mon attention s'est très vite focalisée sur le travail des acteurs. Spontanément, sans rien connaître du théâtre, j'ai tenté de diriger mes camarades. Je me sentais étrangement capable de saisir une justesse dans leur jeu. Cependant, c'est en 2004, à la Chartreuse de Villeneuve-lès- Avignon, qu'est véritablement né en moi le désir de mettre en scène. Face au plateau vide du Tinel, une rêverie s'est mise en route dans ma tête. Tout me semblait possible et réalisable. Je ne me concentrais plus sur les acteurs uniquement, mais sur la dimension plastique, architecturée et rythmique de l'espace. Je découvrais la scénographie. Enfin, j'ai vite compris que mettre en scène des textes ne serait pas (ou rarement) une réelle nécessité dans mon travail. L'envie d'écrire moi-même, avec tous les moyens que peut offrir le théâtre, a toujours été plus forte. Je conçois la dramaturgie comme une partition qui lie des instruments les uns avec les autres : le jeu, l'espace, le son, les objets... Ainsi, écrire et mettre en scène s'entremêlent dans une seule et même quête de sens, de forme et d'émotion (sans prédominance d'un de ces éléments sur les autres). Je me laisse guider dans l'écriture par mon intuition, en avançant au rythme des surprises révélées par le plateau. J'aime écrire en commençant par la première scène, sans connaître les suivantes. Je cherche une sorte de dépaysement.

Être au bon endroit
Je crois que l'espace neutre n'existe pas. Si les salles de théâtre ont trouvé le moyen de se standardiser pour pouvoir accueillir le plus de pièces possibles, elles n'échappent pas pour autant à la règle. Ces « boîtes noires », comme on les appelle, impactent le théâtre qui s'y joue. Paradoxalement, je me sens libéré quand je me retrouve dans des lieux « inappropriés ». Ces espaces disposent de capacités surprenantes, précisément parce que les possibilités d'action y sont limitées. Je peux me réjouir par exemple d'une magnifique perspective comme d'un petit coin sombre et glauque. Peu importe. La question n'est pas de reconstituer un théâtre in situ ou de sublimer telle ou telle architecture, mais bien de considérer chaque espace comme le déclencheur d'une rêverie particulière. C'est en prenant en compte les caractéristiques et les potentialités de chaque bâtiment que je nourris ma recherche : un vitrail, un escalier, une résonance… Autant de contraintes pour un lieu qui peuvent faire passer son statut d'inadapté à celui de privilégié. Qu'il soit monumental ou trivial, mystique ou profane, le lieu est le décor. Il suffit de l'accepter en tant que tel, nu, dans sa propre réalité. Quant aux paroles, aux chants, aux mouvements… Ils n'ont de sens pour moi que s'ils s'inscrivent clairement dans un espace. Ainsi, le lieu dicte la pièce. Et la pièce révèle parfois l'histoire secrète du lieu. En m'intéressant aux archives et à la vie qui fourmille autour (les bruits du village, les rituels des habitants…), mon travail peut s'apparenter à celui d'un archéologue capable d'exhumer une « mémoire poétique ». Je crois aux esprits qui habitent les lieux abandonnés et le théâtre a cette capacité extraordinaire de pouvoir faire cohabiter les vivants et les morts.

Une dimension sacrée
Je peine à concevoir un art dépourvu d'une forme de vertige. Pour moi, le théâtre doit être capable de rendre étrange (donc digne d'attention) ce qui a priori ne l'est pas : l'anodin, le petit, le fragile… Je crois à ce théâtre insoupçonnable dont la magie simple, réalisée avec peu d'effets, peut plonger les spectateurs au coeur de grands mystères. Cela peut se manifester par des mots transformés en sonorités, des présences vibrantes, une attention portée sur presque rien, une poussière… Autant de signes qui, bien distillés, peuvent transfigurer la réalité et laisser entrevoir un au-delà.

Les premiers venus
Je suis partisan d'un théâtre sans sélection, sans jugement, sans technique exigée… Et j'ai plaisir à travailler régulièrement avec des « amateurs », en l'occurrence des personnes qui expriment le désir manifeste et sincère de faire du théâtre. J'aime le commun des mortels, celui ou celle qui ne sait pas trop comment s'y prendre, et je suis persuadé que la virtuosité n'est pas toujours là où on l'attend. Chaque individu est passionnant. Alors, pourquoi ne pas travailler avec les premiers venus ? Sur scène, les maladresses des personnes non initiées au théâtre me réjouissent. Leur jeu est marqué d'une spontanéité assez unique et parfois déconcertante. Ils sont là, présents au présent, avec leurs imperfections ni gommées ni grimées. Je les regarde errer dans l'espace et ce qu'ils font m'inspire toutes sortes de rêveries. J'imagine des anonymes connectés à un ailleurs, des égarés… Ou bien des oubliés de l'Histoire, des revenants... Qui font figure d'étranger. Ils se livrent à toutes sortes d'occupations, comme pour combler un vide existentiel. Ils essaient notamment de faire de la musique, reliant sans cesse le dérisoire et le sublime. Les entendre marmonner aussi me donne l'impression qu'ils partagent un secret ou qu'ils propagent une rumeur. Ont-ils peur d'être vus ? Ignorent-ils la raison de leur présence ?

Magnifier nos idioties
Sans doute y a-t-il, dans mon désir de travailler fréquemment avec des acteurs non professionnels, la volonté de préserver un endroit de vulnérabilité. Je laisse généralement transparaître dans leur jeu une douce idiotie, c'est-à-dire une manière (faussement innocente) de transgresser les normes. Les idiots sont sensibles à la beauté des choses banales, à l'image du prince Mychkine de Dostoïevski qui se réjouit de contempler l'herbe pousser dans le pré… Mais, contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces idiots sont très ancrés dans le réel. Ils ont une conscience aiguë de la complexité des choses. Pour eux, tout est sujet à analogies, tout est source d'étonnement, tout est coïncidence... Ils ont un côté « voyant » qui peut les plonger dans un état émotionnel très intense. Le travail avec les acteurs consiste à magnifier ces capacités surréelles, en libérant leur fantaisie, dans une juste complicité avec les spectateurs.

L'inconscient au travail
Je n'écris pas mes pièces à l'avance. J'ai même peu de choses en tête avant le début des répétitions : un titre, des intuitions, quelques références… Ma rêverie s'active concrètement le jour où je découvre l'espace de jeu et lorsque je rencontre les acteurs. Sur scène, je les invite à prendre librement la parole puis je les dirige à travers toutes sortes d'improvisations collectives. J'essaie de laisser le plus de place possible à l'expression de nos inconscients. En cela, chaque pièce s'apparente à un voyage initiatique. Et je fais le pari que l'expérience que nous vivons lors des répétitions impactera directement celle des spectateurs lors des représentations. Je m'interroge plus sur le déroulement que sur le dénouement de la pièce. Chaque scène s'écrit sensiblement en fonction de la précédente, selon les nécessités du plateau. Je peux m'attarder sur une simple intonation de voix, entraînant une variation de rythme, en l'occurrence une digression imprévisible qui plonge progressivement les spectateurs dans une autre atmosphère... Ce qui m'importe, c'est de trouver une forme de fluidité, une cohérence sensible et poétique dans l'écriture. La question du sens est plus souterraine. Si un récit apparaît, je veux, jusqu'au bout, ne pas en connaître l'issue. Je me laisse ainsi porter par le mouvement scénique, sans toujours bien comprendre ce que je fais au moment où je le fais. D'une certaine manière, j'essaie de ne pas penser le théâtre avant qu'il ait lieu.

François Lanel

• « Made in Normandie » depuis 1845
• Articles en jute, coton, lin et autres fibres naturelles
• Fabrication éco-responsable au sein de la filière lin normande

Créé par la famille Lardans, le Tissage du Ronchay est l'un des derniers sites de tissage en France. Situé sur un terrain de 10 000 m2, il est constitué de bâtiments couverts qui permettent à l'entreprise de stocker des matières premières pendant 5 mois minimum. Leur activité est réalisée à l'aide d'une quarantaine de machines à tisser à lance Dornier. Un savoir-faire unique, perpétué avec passion, qui promeut la fabrication française au sein de la filière textile normande.

En France, la culture du lin représente une superficie d'environ 122 000 hectares, dont 60 % en Normandie. Cette surface de culture a été multipliée par 2 en 10 ans.

Originaire de Dieppe, François Lanel est auteur-metteur en scène de pièces de théâtre. Il a développé son goût pour l'art contemporain grâce à des expériences professionnelles diverses : à la Galerie Chez Valentin, au service de production du Festival d'Avignon, en s'impliquant dans le projet W de Joris Lacoste et Jeanne Revel aux Laboratoires d'Aubervilliers, mais aussi en assistant à la mise en scène respectivement Frédéric Fisbach et Pierre Meunier.

Après un Master Professionnel – Mise en scène et dramaturgie à l'Université Paris Nanterre, il crée la compagnie de théâtre L'Accord Sensible et les pièces Les éclaboussures (2010), D-Day (2011), Champs d'Appel (2013), Massif central (2015) et Ce qui vient (2021).

Son travail a notamment été présenté à la Comédie de Caen, au Théâtre de la Cité internationale (Paris), à la Scène nationale de Dieppe, à la Fonderie (Le Mans) et lors des festivals Premières (Staatstheater de Karlsruhe), Fast Forward (Staatstheater de Braunschweig) et Novart (Manufacture Atlantique – Bordeaux). Il attache par ailleurs une grande importance à travailler comme comédien ou dramaturge avec d'autres artistes (compagnie Placement libre – Monsieur Microcosmos, Archivolte ; L'Atelier Martine Venturelli – Appontages…) et à créer des pièces in situ avec des comédiens non-professionnels : Ça s'améliore (2013), Une oie des oiseaux (2018), D-Day II (2019).

«Au théâtre, je crois qu'il faut apprendre à s'égarer, à dire oui avant de connaître ou de comprendre. Quoi de plus excitant ? La scène est un espace de jeu et de rencontre inouï. C'est l'endroit rêvé pour vivre des aventures inhabituelles. J'ai toujours eu l'intuition que, pour faire apparaître quelque chose d'étonnant, il fallait nécessairement plonger dans l'inconnu et savoir accueillir toutes sortes de surprises.

Le début du travail consiste à offrir quelque chose, à partager une forme d'intimité avec les autres, pour créer du commun. Au plateau, les improvisations permettent d'emprunter des chemins improbables et de libérer les parts d'enfance qui sommeillent en chacun de nous. Petit à petit, nos énergies se complètent, nos obsessions se font écho, laissant apparaître une chose qui n'est pas la somme de chacun mais une série d'interactions entre nous. Il suffit de laisser infuser ce qui nous traverse et d'avancer sur le fil de l'inattendu, au rythme de digressions et de pas de côté plus ou moins improbables. Tout se tisse dans la joie, en faisant jaillir des rapprochements surprenants, des formes étranges… Ce que j'espère toujours, c'est découvrir sur scène ce dont je rêvais sans l'imaginer : un équilibre fragile, aussi mystérieux que magique, en constante évolution.»

François Lanel

photo : Alain Morel

Compagnie de théâtre implantée à Caen. Créée sous l'impulsion de François Lanel, elle a principalement pour objet de :

• produire, créer et diffuser des spectacles vivants
• questionner les conventions et les lieux de représentation
• développer des actions culturelles, éducatives et sociales
• mettre en avant l'expérimentation en favorisant la transdisciplinarité.

Les pièces de L'Accord Sensible ne s'appuient pas sur des textes. L'inspiration vient de l'espace où la création a lieu puis des rencontres avec les acteurs. François Lanel et son équipe rassemblent toutes sortes de rêveries, de réflexions, d'objets, d'images... Autant d'éléments disparates qui s'imposent pour eux dans le travail. Jaillissent alors des rapprochements inattendus et des formes étranges, constitutifs d'un théâtre vivant et décalé.

François Lanel et Agnès Serri-Fabre partagent une même passion pour la création artistique. Leur alliance est celle de deux univers marqués par l'innocence, l'émerveillement et l'idiotie. Tels des explorateurs de l'inconscient, ils aiment improviser et se laisser guider sensiblement par leurs intuitions. Ce qui en ressort est légèrement surréaliste. Improbable.