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saison 2016/2017

Antigone

  • THÉÂTRE
  • MERCREDI 22 MARS
  • 20H
  • GRANDE SALLE
  • DURÉE : 1H30
  • TARIF A
  • RÉSERVER
  • SÉANCE SCOLAIRE : JEU. 23 MARS 14H

D’APRÈS SOPHOCLE ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE LUCIE BERELOWITSCH

COMPAGNIE LES 3 SENTIERS

 

« Quand, si ce n’est pas maintenant ? Qui, si ce n’est pas nous ? » Ruslana Khazipova, comédienne, musicienne, interprète d’Antigone

Lucie Berelowitch a projeté « une Antigone en négatif, une Antigone du hors champ, là même où se fabrique l’histoire ». Rebelle, résistante, Antigone porte en elle tous les ferments de l’insoumission. En bravant l’interdiction de donner une sépulture à son frère Polynice, Antigone perdra sa vie sans se soumettre. Lucie Berelowitsch s’appuie sur l’Antigone de Sophocle pour proposer un projet international, autant que musical et poétique. Née à Kiev juste après la révolution de Maïdan au cœur d’une actualité contemporaine brûlante, Antigone prend une densité toute particulière dans ce contexte si chargé. « Appétit de vie et ironie saillante, sous le signe de la révolte » les Dakh Daughters, collectif de musiciennes engagées assurent le climat sonore et musical de la pièce entre cabaret punk et férocité drôle et lucide. Comment honorer les morts, comment reconstruire à partir des cendres, comment réapprendre à vivre ? Lucie Berelowitsch devait tout naturellement transposer Antigone en connivence avec des interprètes ukrainiens.

 

« Enfin, le somptueux choeur des Dakh Daughters, ce collectif de jeunes activistes ukrainiennes, donne à l’ensemble, dans un décor monumental, une folle allure. » Ouest France

AUTOUR DU SPECTACLE

MERCREDI 22 MARS, BAR DE DSN

SCÈNE OUVERTE

Avant le spectacle, scène ouverte à la classe des ateliers de musiques actuelles du Conservatoire à Rayonnement Départemental Camille Saint-Saëns. [+]

DISTRIBUTION

ANTIGONE d’après SOPHOCLE Adaptation et mise en scène Lucie BERELOWITSCH Musique et collaboration artistique Sylvain JACQUES Scénographie Jean-Baptiste BELLON Costumes Magali MURBACH Lumières François FAUVEL Régie générale François FAUVEL / Julienne ROCHEREAU Composition musicale les Dakh Daughters et Vlad TROITSKYI Traduction ukrainienne et russe, Dmytro TCHYSTIAK, Natalia ZOZUL et l’équipe artistique. Traduction française Lucie BERELOWITSCH avec l’aide de Marina VOZNYUK Assistanat à la mise en scène Julien COLARDELLE. LES INTERPRÈTES : Antigone, Ruslana KHAZIPOVA Tirésias, Thibault LACROIX Créon, Roman YASINOVSKIY Ismène, Diana RUDYCHENKO Hémon, Anatoli MAREMPOLSKY Le Chœur, Les DAKH DAUGHTERS : Natalka HALANEVYCH, Tetyana HAWRYLYUK, Solomiia MELNYK, Anna NIKITINA, Natalia ZOZUL Polynice et un garde, Nikita SKOMOROKHOV Le Garde, Igor GNEZDILVOV Un autre Garde, Alexei NUJNI .


Production Les 3 Sentiers. Coproductions La Comédie de Caen – Centre Dramatique National de Normandie, Le Théâtre de l’Union – Centre Dramatique National du Limousin, Le Trident – Scène Nationale de Cherbourg–Octeville, Théâtre Paul Eluard de Choisyle- Roi - scène conventionnée pour la diversité linguistique, , Le Dakh Théâtre et Diya (Ukraine). Soutiens DRAC Normandie, Région Normandie, Conseil départemental de la Manche et Conseil départemental du Val-de-Marne, l’ODIA Normandie / Office de diffusion et d’information artistique de Normandie, l’ONDA – Office National de Diffusion Artistique, L’institut Français et l’Ambassade de France d’Ukraine, l’institut français d’Ukraine, la Spedidam, l’Adami et la ville de Cherbourg- Octeville.

© photo : Maxim Dondyuk

Site de la compagnie

SI VOUS AIMEZ CE SPECTACLE, VOUS AIMEREZ PEUT-ÊTRE :

L'Île des Esclaves
Léonie est en avance
Esquif

Aujourd’hui, j’ai beaucoup à faire
Il faut que mon âme devienne comme de la pierre
Il faut que je tue ma mémoire jusqu’au bout
Il faut que je réapprenne à nouveau à vivre.

Anna Akhmatova, Requiem

 

CE PROJET est né de ma venue en Ukraine en avril 2014.
Ma rencontre avec les Dakh Daughters - un groupe « cabaret-punk » d’ukrainiennes à la fois musiciennes et comédiennes -, mélangée à mes premières sensations de Kiev, m’a guidée à la décision de créer un projet artistique avec l’Ukraine. Quelques mois après la révolution de Maïdan, Kiev incarnait la complexité : il restait les barricades faites à partir de bidons, de pneus, et tout ce qui avait été détruit, brulé. En même temps il faisait beau, les passants se promenaient, et tous ces événements semblaient déjà pris dans l’histoire, dans le passé. La ville portait en elle la question que faire avec sa mémoire, comment honorer les morts, comment reconstruire à partir des cendres, comment « réapprendre à vivre ».

LA PIÈCE se situe dans un entre-deux guerres.
Elle commence par la nouvelle (prématurée) de la victoire de Thèbes, et se termine sur le pressentiment de la reprise de la guerre. C’est un moment d’un entre-deux, de suspension, de fragilité. Et si fête il y a, pour fêter la victoire, c’est « Un festin pendant la peste » selon le titre de la pièce de Pouchkine (en écho à The city of the plague de John Wilson) : comme peuvent l’être les fêtes des victoires au cours des dernières années, suivies par des guerres civiles ou des guerres tout court. Si, comme le déclarait récemment le pape François, nous assistions à une 3ème guerre mondiale en morceaux, nous retrouvons dans Antigone ce que nous affrontons aujourd’hui : le climat de sociétés hésitantes, perdues entre un modèle sociétal qui a fait son temps et un monde en devenir encore à inventer, le thème de la révolte autant que celui de la justice, de la légitimité et du compromis. Nous travaillons sur l’Antigone de Sophocle, et sur l’Antigone de Brecht, inspirée de la traduction d’Hölderlin. Le montage entre ces deux textes s’est enrichi d’une réécriture au plateau, en discussion avec les comédiens, discussion portée sur ce que la pièce et ses thématiques leur évoquent maintenant. Notre lecture porte sur les « hors champs » : quittant la trame habituelle de ce qui nous est donné à lire dans la pièce, pour nous intéresser à ce sans quoi la trame perdrait son épaisseur. Antigone est une Antigone en négatif, une Antigone du « hors champ », là même où se fabrique l’histoire.

LA FAMILLE
Antigone vient de la famille des Labdacides, une famille tissée de liens incestueux, qui n’appréhende l’autre que comme étranger, meurtrier, fauteur de troubles et de guerres. Au début de la pièce, elle revient du voyage qu’elle a fait avec son père, afin de l’enterrer. Antigone, répare la perte des siens en créant son propre monde imaginaire, elle met fin à la malédiction familiale en mettant fin à la famille. Lacan dit qu’elle se situe dans « L’entre deux morts ». L’histoire d’Œdipe et de Jocaste est présente dans la pièce sans être pour autant jamais formulée. Le mythe tragique d’Antigone interroge notre rapport à la loi, à la famille, à notre identité, et éclaire de toute son épaisseur les nouvelles figures des jeunes qui prennent le chemin de la révolte.

LE CHOEUR
Nietzsche dans La naissance de la Tragédie évoque le chœur tragique comme le seul voyant, un miroir que l’homme dionysiaque, désirant la vérité et la nature dans toutes leurs forces, se tend à lui-même. J’ai proposé aux Dakh Daughters, collectif de femmes comédiennes et musiciennes engagées, et représentant l’Ukraine d’aujourd’hui, de tenir le rôle du chœur et celui d’Antigone. Chaque intervention du chœur est réécrite avec elles, elles composent des musiques originales : nous travaillons sur la langue ukrainienne, son rythme, son énergie propre et adaptons le contenu du texte. Thibault Lacroix compose le personnage de Tirésias, le devin parlant une langue “ étrangère”, il joue en français, russe et ukrainien. Le texte sera surtitré en Français, et un travail de typographie permettra au public de comprendre lorsqu’il s’agira de la langue russe ou de la langue ukrainienne.

Lucie BERELOWITSCH

 

Antigone : Retournons là -bas, ma chérie
Ismène : Pour y faire quoi ?
Antigone : Un désir me possède
Ismène : Et lequel ?
Antigone : Celui de voir le séjour souterrain…
Ismène : De qui ?
Antigone : De notre père
Ismène : Songe qu’il est mort, et non enterré, à l’égard de tous.
Antigone : Qu’on me mène donc là pour me tuer à mon tour.
Sophocle, Œdipe à Colone

JEAN-PIERRE THIBAUDAT - Quels sont vos liens avec la Russie ?
LUCIE BERELOWITSCH – Je viens d’une famille russe. J’ai fait mes études de théâtre au GITIS, le conservatoire de Moscou et je suis revenue en France à l’âge de 20 ans. J’ai débuté comme actrice avant de passer à la mise en scène. Cela s’est fait progressivement. Le metteur en scène Philippe Arlaud montait au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg La Traviata dirigée par Valery Gergiev, et il cherchait une assistante pouvant parler russe et lire la musique. On nous a présentés, et je suis partie avec lui à Saint-Pétersbourg. Je me suis sentie extrêmement heureuse dans la salle à regarder les chanteurs, à parler avec le metteur en scène, à travailler en amont, beaucoup plus à ma place que sur un plateau. Puis des amis musiciens qui montaient L’Histoire du soldat de Stravinski et Ramuz m’ont demandé de les diriger. Thibault Lacroix, qui sortait du conservatoire de Paris, nous a rejoints. On a fait une maquette à la MC93 de Bobigny, suite à laquelle Thibault et moi avons créé notre compagnie, et j’ai commencé à faire de la mise en scène.

JPT – Et vous avez mis en scène plusieurs pièces russes.
LB – Cela n’a pas été un choix conscient, plutôt une suite de hasards. J’ai découvert Morphine de Mikhaïl Boulgakov, que j’ai monté, et puis Le Gars de Marina Tsvetaeva qui m’a bouleversée. Tsvetaeva l’a d’abord écrit en français lors de son immigration en France et lorsqu’elle est retournée en Russie, elle l’a réécrit en russe. Une même histoire et deux textes diamétralement opposés. J’ai proposé à Vladimir Pankov, qui était avec moi au Conservatoire de Moscou, une co-mise en scène de ce texte dans les deux langues où tout serait double : des comédiens français, des comédiens russes, un metteur en scène français, un metteur en scène russe, des répétitions en France, des répétitions en Russie... Je cherchais un directeur de théâtre suffisamment fou pour rentrer dans l’aventure avec moi. Mona Guichard, directrice de la scène nationale de Cherbourg, m’a dit « OK, on y va ».

C’était une expérience incroyable qui parlait de le Russie, du déchirement. On a travaillé sur la langue de telle sorte que le public français comprenait le texte français et entendait le texte russe comme une musique, et inversement quand on a joué en Russie. Ensuite à Cherbourg j’ai monté Juillet, la pièce d’un auteur contemporain russe, Ivan Viripaev.

JPT – Et aujourd’hui, après un détour par Victor Hugo (Lucrèce Borgia avec Marina Hands), vous revenez vers l’Est, en passant par la Grèce.
LB – Je me suis un peu éloignée de la Russie pendant plusieurs années, mais l’an dernier je suis revenue à Saint-Pétersbourg diriger un laboratoire autour de L’Idiot. Et en avril 2015, on m’a proposé de venir à un voyage organisé à Kiev avec différents directeurs de Théâtre. C’était quelques mois après Maïdan, il y avait encore les barricades, le bâtiment brûlé, les tentes où on continuait de vivre, et en même temps la vie reprenait ses droits. Le dimanche, les gens venaient avec leurs poussettes se promener au milieu des décombres. Il y avait partout des petits autels dressés à la mémoire de ceux qui étaient morts, des fleurs, des photos... Je me suis demandée comment on honore ses morts, comment on se reconstruit après, quelle place on laisse à la mémoire et quelle place on laisse à la vie qui va reprendre. Je me posais toutes ces questions quand on m’a proposé de faire une mise en scène à Kiev. Prendre un texte contemporain ukrainien et parler directement de la situation aurai été présomptueux, en même temps je ne me voyais pas faire une pièce qui ne parlait pas de ça. Alors j’ai relu Antigone, celle de Sophocle, puis celle de Brecht. Des pièces où résonnent fortement des questions comme : qu’est-ce que c’est qu’une guerre fraternelle ? Qu’est-ce qu’on fait avec ses morts ? Si on détruit tout, qu’est-ce qu’on reconstruit derrière ? Antigone en Ukraine a énormément de sens et la pièce permet de parler de ce qui s’y passe de façon universelle. Parallèlement, j’ai rencontré les Dakh Daughters, un groupe de filles qui font partie de la seule troupe de théâtre indépendante ukrainienne, à la fois actrices, chanteuses et musiciennes qui allaient souvent sur Maïdan, des Antigone de la nouvelle Ukraine. Une nouvelle génération de femmes ukrainiennes qui respectent leurs traditions, leur folklore, leur culture, qui ont envie de valoriser cela, et qui, d’un autre côté, sont complètement modernes, européennes. Je leur ai proposé de travailler avec moi pour composer le choeur et pour jouer le rôle d’Antigone.

J’ai ensuite travaillé avec des acteurs ukrainiens pour adapter le texte. Je suis partie du français, à partir de Sophocle et de Brecht, puis on a retravaillé sur un texte russo-ukrainien. Je me suis rendue compte que le rapport à la langue passe presque de manière inconsciente entre l’ukrainien, une langue familiale que l’on parle dans la cuisine avec sa mère et son père, et le russe, une langue plus sociale, de la Cité, des rencontres officielles. Comme le passage de l’intime à la Cité est une des problématiques d’Antigone, j’ai trouvé cela intéressant de travailler sur cette question-là : les passages plus intimes sont donc en ukrainien, et dès que l’ambiance devient plus officielle, on passe au russe. Le personnage d’Antigone se situant sur cette frontière entre le russe et l’ukrainien.

Entretien réalisé pour le journal de la Comédie de Caen - CDN de Normandie

Elle fait partie du collectif d’artistes de la Comédie de Caen - CDN de Normandie, est Artiste coopératrice au Théâtre de l’Union - CDN de Limoges, et est artiste de passage au Trident - Scène Nationale de Cherbourg-Octeville, depuis 2007.
Formée en tant que comédienne au Conservatoire de Moscou (GITTIS) et à l’Ecole du Théâtre National De Chaillot, elle a travaillé en tant que comédienne, puis en tant qu’assistante à la mise en scène d’opéras, avant de créer en 2001 avec Thibault Lacroix le collectif de comédiens et musiciens : Les 3 Sentiers.

Elle a mis en scène L’Histoire du Soldat de Stravinsky et Ramuz, Morphine de Boulgakov, Le Gars de Marina Tsvetaïeva avec Vladimir Pankov, ainsi que des comédiens et musiciens russes et français ; Juillet de Ivan Viripaev, création en France du texte, Kurtlandes (solo avec ou sans guitare) dans le cadre du Festival de Danse Ardanthé, Lucrèce Borgia de Victor Hugo, Un soir chez Victor H. inspiré des séances de spiritisme de la famille Hugo lors de son exil à Jersey, et Portrait Pasolini avec Thibault Lacroix dans le cadre des commandes de portraits d’artistes de La Comédie de Caen – CDN de Normandie.

Elle a été membre du Lincoln Center, Director’s Lab à New York, et a participé à Saint-Pétersbourg au BDT à un travail sur l’Idiot, de Dostoïevski.

Elle travaille avec la compagnie sur de nombreux projets pédagogiques, ateliers avec amateurs et en maisons d’arrêt, intervention en écoles de théâtre. En 2015, dans le cadre d’un partenariat exemplaire entre Le Trident – SN de Cherbourg-Octeville et le SPIP de La Manche, elle donne un atelier de pratique théâtrale pour personnes placées sous main de justice et amateurs, qui donnera le spectacle Il nous restera ça représenté au Trident.

Les 3 Sentiers est un collectif créé en 2002 de comédiens, musiciens et metteurs en scène qui se sont rencontrés à l’École de Chaillot, au Conservatoire de Paris, puis au cours de différents projets. Que ce soit dans la création d’oeuvres contemporaines, de textes non théâtraux, de performances, de spectacles pour enfants, de lectures, de spectacles musicaux, d’organisation de festivals, Les 3 Sentiers se construit dans une recherche éclectique, musicale, expérimentale et poétique.
Les 3 Sentiers sont implantés depuis Septembre 2011 en Basse-Normandie.