Une pièce manquante

CHORÉGRAPHIE CÉCILE LOYER
COMPAGNIE CÉCILE LOYER

La Tempête de Shakespeare est le point d’ancrage d’Une pièce manquante : un naufrage, des lieux inconnus, une perte de repères et d’identité des protagonistes. Cependant, si Shakespeare y Une tragicomédie féérique, où une certaine tempête malmène interprètes et repères théâtraux dans une jubilation chorégraphique. insuffle une accalmie et un dénouement heureux, Cécile Loyer y enchaîne bourrasques, vagues déferlantes, crachins, écueils et tourbillons. Tandis que les danseurs multiplient les essais autour de la première scène, la tempête s’empare d’eux, la raison prend l’eau et le théâtre lui-même, comme lieu et comme genre, menace de couler. Ce naufrage est aussi une incroyable épopée pour les quatre brillants interprètes (Cécile Loyer incluse), tous aussi drôles qu’excellents, dans les séances de lecture comme dans les portés, les errances sur le radeau ou les changements de registre.
On s’amuse de tous ces remous et renversements et on se réjouit du décadrage que cette lecture décalée provoque et de cette autre forme de théâtralité proposée.

 



VIDÉO

 

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Comme Moments d’absence, la précédente pièce de Cécile Loyer, Une pièce manquante cherche à créer le trouble, le doute chez les spectateurs en questionnant la frontière entre jeu et réalité. Mais, cette fois, l’entrée en matière s’opère par le biais d’un classique de l’histoire du théâtre.
Ce spectacle se fonde en effet sur La Tempête de Shakespeare, non tant la pièce elle-même que certains de ces aspects : il s’agit d’une tragicomédie féerique, du récit d’un naufrage, qui débouche sur l’isolement des protagonistes dans un lieu inconnu, de leur perte de repères, et du doute qu’ils éprouvent sur leurs identités respectives. Choisir ce texte comme point de départ, c’est installer d’entrée (pour mieux les mettre en pièces) le code du théâtre et l’imaginaire du conte comme cadre de la pièce.
Mais, alors que la pièce de Shakespeare s’ouvre sur une tempête qui mène à un naufrage, puis à une accalmie et à un dénouement heureux, Une pièce manquante n’est que bourrasques, vagues déferlantes, crachins et tourbillons. Tandis que les danseurs multiplient les tentatives pour jouer la première scène de La Tempête, la tempête s’empare d’eux, la raison prend l’eau et le théâtre lui-même prend l’eau et commence à couler. Dès lors, les places, les rôles, se modifient ; les rapports de force s’inversent, les danseurs refusent d’être dirigés, la chorégraphe démissionne, le groupe se divise et des alliances se nouent, et ce flottement autour des questions « qui est qui ? » et « qui fait quoi ? » entraîne la pièce vers une autre pièce, hors-cadre celle-là, hors scène.
L’espace, jusqu’alors cerné par la lumière, est mis à nu, sans coulisse, ni fond de scène, la structure du théâtre est à vue, la scène s’élargit aux dimensions de la salle et le public est aussitôt pris à témoin de ce « disfonctionnement ».
Ainsi, Une pièce manquante déjoue les attentes pour remettre en cause les relations conventionnelles entre le metteur en scène, les acteurs et le texte, entre le public et les interprètes. Dans le naufrage de cette tentative de mise en scène de La Tempête, c’est donc non seulement une autre pièce qui est donnée à voir, mais aussi une autre forme de théâtralité qui est proposée.

Avant d’être chorégraphe, Cécile Loyer est danseuse et a un rapport physique au plateau et à l’espace. Elle met sa pensée au service de son corps et fait confiance aux danseurs, à leurs corps et à leurs mémoires, leur richesse, leur capacité à se transformer, et à raconter.
Dans ses créations, la question de la « frontière » avec le public revient obsessionnellement.

Pour autant, la danse qu’elle recherche n’a de sens que parce qu’elle est partagée, qu’à chaque fois, elle se réécrit et se remet en jeu. Tous ses spectacles sont écrits, ils ont un cadre et un temps, mais ils questionnent « l’instant », en se nourrissant physiquement de l’échange avec le public. La chorégraphe ne cherche pas tant la beauté ou la maîtrise du geste que la conscience d’agir ici et maintenant, et la nécessité de donner leurs places aux plus petits détails et à la fragilité des corps.

Elle aime collaborer avec des musiciens, des peintres, des auteurs et des réalisateurs qui lui font découvrir d’autres façons de travailler et d’inventer. Aussi, elle souhaiterait que chaque création ouvre un univers différent, une danse différente et que sa danse ne se fige jamais dans une méthode ou un savoir-faire. C’est pourquoi elle défend l’idée qu’il faut chercher encore et toujours, l’acte créateur est dans la recherche, dans l’essai, dans le ratage, et la danse est vivante quand elle cherche ou se cherche. Chaque pièce est une étape, non une finalité, chaque pièce ouvre des portes pour continuer à chercher.

UMOOVE - LOUISE DUTERTRE - NOVEMBRE 2014 « UNE PIÈCE MANQUANTE »
PIÈCE (DE)MONTÉE

« (...) Une pièce manquante, la dernière création de la chorégraphe Cécile Loyer, présentée à La Scène Nationale d’Orléans dans le cadre du festival Des floraisons, joue avec les codes du théâtre, de la danse en particulier, et de la représentation en général. Le spectateur est transporté entre fiction et réalité, par une improbable troupe. Jeux d’égos, petites mesquineries, rivalités latentes le quatuor prend l’eau. Est-ce vraiment un problème, lorsque le point de départ de la création est La tempête ?
Cécile Loyer donne aux corps dansants, la possibilité de jouer du réel, de l’imaginaire. Tout en tissant des liens solides entre les interprètes et leur projet, elle les distend pour en faire émerger fragilités et énergies créatrices. La chorégraphe possède cette capacité à « broder les corps », à les faire voyager de l’intime à l’universel. (...)
Une pièce manquante dégage une énergie et une force d’une grande justesse. Palpable sensibilité des corps qui vient s’ajouter à celle du propos. »

MOUVEMENT - GÉRARD MAYEN - NOVEMBRE 2014 « UNE PIÈCE MANQUANTE »
QUESTIONS A FOISON

« Inattendue sous ses allures d’exercice, Une pièce manquante de Cécile Loyer emporte l’adhésion (...).
Simple pièce de danse ne prétendant à rien d’autre, elle se présente d’abord sous le jour des plus déprimantes conventions théâtrales. Quatre acteurs tentent de s’entendre sur une interprétation de La tempête de Shakespeare. C’est notamment via la présence d’une « étrangère » parmi eux (tiens, encore), une asiatique malfrancophone (ça peut être gênant, au théâtre), que la situation en vient à se dérégler.
Que convient-il de faire, de ne pas faire, et comment réussir en ne parvenant pas à faire, sont les questions qui déclenchent une formidable tempête de corps dans cette équipe, aux énergies incongrues, dynamiques insolentes, et exploits absurdes. La tête dans le cul, ce fracas chorégraphique, savamment étudié on s’en doute, déménage dans une joie improbable et communicative. On en a besoin. »

DE DANSE … – PHILIPPE VERRIELE – AVRIL 2015 « UNE PIÈCE MANQUANTE »
Une danseuse -Mai Ishiwata- entre en courant, comme on s’échauffe et cela se transforme en solo. Les deux hommes arrivent suivis d’une seconde femme -Cécile Loyer. Tout semble incertain; suit une scène de comédie à propos d’une coupure de courant, le tout surjouant l’histrionisme de comédien d’opérette… Pléonasme de pléonasme. Et Cécile Loyer joue à craquer. Mais la gêne qu’exprime Mai Ishiwata, d’un presque rien, possède une puissance étonnante. Elle va se changer pour un solo d’une fluidité gestuelle remarquable. On assiste à une italienne à la table où l’on change le texte, à une caricature de la première scène de la Tempête de Shakespeare, à une épure du jeu théâtrale pour arriver à un quatuor de contact improvisation. Puis Mai reste seule…
Rien n’est vraiment défini, tout est décousu et tout s’enchaîne en désordre : la théâtralité est le leurre d’une imposture. Reste la danse. La pièce procède ainsi à un subtile questionnement sur la nature du spectacle. C’est drôle et l’ironie grince un peu quoiqu’elle suppose de connaître us et coutumes des comédiens.

A noter,
Le premier talent d’un chorégraphe, c’est le casting, on le sait. Cecile Loyer a donc beaucoup de talent car d’Eric Domeneghetty, puissant et proche de la rage, à Eric Fessenmeyer, bloc de mystère compact, en passant par Mai Ishiwata, connue pour être une grande interprète de butô et qui ici brille de subtilité, cette distribution touche à une manière d’excellence.

Une référence,
Cette question de la théâtralité n’est plus tellement d’actualité pour la danse après avoir été au coeur des questions des 70’s. Curieusement, aujourd’hui, on voit plus souvent des approches sur la « chorégraphitée » du théâtre… Amusant que ce retournement un peu à contre-courant.

C’EST COMME ÇA QU’ON DANSE – VÉRONIQUE VANNIER – MARS 2015 « UNE PIÈCE MANQUANTE »
Mise en abîme, porosité des frontières entre le travail de répétition, le spectacle, le temps réel et celui de la représentation, c’est tout cela qui se dit et se joue dans cette pièce manquante.
Deux référents culturels, La Tempête de Shakespeare et Le radeau de la Méduse de Géricault, l’une conduisant au naufrage de l’autre tout en construisant un récit, drôle, émouvant, parfois absurde sur ce qu’est la création artistique, la vie des artistes et les difficultés qu’ils peuvent traverser … sorte de chronique des grandeurs et misères vécues sur un plateau.
Incompréhension, gestion des egos, bugs techniques, tout cela se lit dans cette pièce manquante qui déploie une apparence de joyeux chaos sur scène. Apparence seulement car ici tout est maîtrisé : le génie de Cécile Loyer soutenu par sa propre physicalité et celle de ses interprètes, tous excellents, est justement de nous montrer à voir un naufrage qui s’avère être une véritable prouesse technique dans les prises de risque physiques, les portés, les déplacements sur le plateau ou sur le fameux radeau…
On rit, on participe à l’aventure tragi-comique de ce quatuor de danseurs/comédiens, on s’émeut à distance de leurs ébats, comme une chorégraphie qui s’amuserait à jouer un porno convulsif et décalé … on adhère au regard porté par la chorégraphe sur son propre domaine d’expérimentation et de création, sur sa proposition d’une nouvelle théâtralité chorégraphique car tout est fait avec une grande intelligence, beaucoup de coeur et de talent.
Lorsque ça s’arrête, on ne veut pas y croire et on aimerait poursuivre, rester dans cette énergie, ne pas sortir du temps du spectacle et c’est là, que la pièce devient réellement manquante…